Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/38

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— Que vous faites donc ? Pécaïre ! On ficelle mes amis comme des saucissons d’Arles ! Eh ! tandis que Vous y êtes, pitchouns, pourquoi ne pas les rouler dans du papier d’argent ? Per lou diable ! Vous êtes toqués et l’on devrait vous enfermer au lazaret de quarantaine !

Cette intervention inattendue fit l’effet d’un coup de théâtre.

Les prisonniers, qui déjà se croyaient pendus, les assaillants émus par la mercuriale, troublés à la pensée qu’ils s’étaient trompés, demeuraient immobiles en face du fougueux Marseillais.

Celui-ci profita de son avantage :

— Ces señores, dit-il, m’expliquaient les finesses du duel américain. Nul ne peut prévoir l’avenir, pas vrai ? Donc je voulais savoir. Et vous bousculez, vous houspillez ces dignes caballeros, sans seulement vous informer. Mes cailles, votre élan est louable, il fleure le dévouement ; mais, té, se dévouer est bon, raisonner est mieux.

L’assemblée écoutait muette et consternée.

— Six heures et demie, reprit Massiliague, j’ai juste le temps de me rendre à la gare. Ces señores m’accompagneront. Pour vous, Mexicanos amigos, je vous remercie de votre affection et vous pardonne votre bévue.

Des clameurs reconnaissantes montèrent vers le ciel, tandis que le héros descendait majestueusement la pente du Castillo, suivi de ses adversaires de tout à l’heure et de leurs seconds.

Joë Sullivan marchait, l’œil dur, les dents serrées, furieux de n’avoir pu mettre à exécution ses projets d’assassinat.

Les témoins se félicitaient d’avoir échappé au danger.

Pour Francis et Pierre, leurs traits reflétaient une émotion pénible. Les chasseurs étaient touchés de la générosité de Scipion. Cet étranger que, sans raison valable, ils avaient provoqué, qu’ils désiraient rayer du nombre des vivants, cet étranger les sauvait simplement, sans phrases, sans paraître se douter qu’il pratiquait la plus haute des vertus : le pardon.

Cependant on atteignit le bas du coteau. Derrière la volante de Massiliague, deux autres véhicules stationnaient. C’étaient ceux qui avaient amené les Canadiens et leurs compagnons.