Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour le gouverneur, il n’y eut aucun doute. Les fugitifs, serrés de près, s’étaient réfugiés dans la resineria et, avec la complicité des peones, avaient échappé à ses recherches.

— Odieuse population ! grommelait-il en aparté. Espagnole d’origine, elle est restée Sudiste d’âme.

Mais il se garda d’énoncer cette réflexion à haute voix. Il parut au contraire abonder dans le sens de son hôte.

— Ma foi, don Ramon, finit-il par dire, j’estime comme vous que la Madone aurait bien pu songer à sauver ceux que je pourchasse. S’il en était ainsi, je m’inclinerais devant sa volonté.

L’hidalgo approuva du geste et de la voix.

— Mais vous le comprenez ; j’ai reçu des ordres du gouvernement fédéral et je ne saurais les enfreindre sans une preuve palpable qui me mette à l’abri de tout reproche.

— C’est trop juste, en vérité… ; mais cette preuve ?

— Facile à se procurer.

— Parlez.

— Si les « doubles » de vos peones sont les personnes que nous croyons, l’intervention de la Madone est indiscutable.

— J’étais sûr que vous adopteriez cet avis.

— Aussi vous prierai-je de m’accompagner à la demeure de vos ouvriers. Le cas échéant, je leur annoncerai moi-même qu’ils n’ont plus rien à craindre.

Triomphant, se voyant déjà imprimé tout vif dans les innombrables journaux quotidiens où périodiques des deux Amériques, Ramon se leva aussitôt de table.

Absorbé par sa joie, il ne remarqua pas le rapide colloque qui eut lieu à voix basse entre le gouverneur et le chef de l’escorte et, quand il sortit avec Forster, il ne se douta pas une seconde qu’officiers et soldats sortaient sur ses pas.

Le chef avait simplement dit :

— Deux hommes à l’écurie. Sellez les chevaux. Les autres, prenez les armes… Nous allons cerner la baraque ou sont cachés les rebelles.

Tel était le résultat de sa brève conversation avec le gouverneur.

Cependant, pérorant, agitant de grands bras, versant sur sa vanité le baume de compliments exagé-