Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/390

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dans la salle commune où le tambero empressé avait dressé la table.

Ah ! le digne industriel tenait à gagner le complément de ses cent dollars.

Le vin de France, réservé aux clients de marque, avait paru, et Massiliague, en présence de ce compatriote avait senti toute sa verve lui revenir.

Religieusement, il avait débouché une bouteille, avait rempli un verre et, après avoir goûté le liquide avec une grimace de connaisseur, il l’avait vidé d’un trait : À la santé de la Virgen mexicana.

Nul n’avait remarqué la joie qui brillait dans les yeux de Gonfaccio.

Les cent dollars se rapprochaient de son escarcelle, car c’était au vin de France qu’il avait mélangé la préparation opiacée.

Hélas ! il était écrit que cet honnête commerçant ne récolterait pas le fruit de son dévouement.

Comme il s’empressait autour de ses hôtes, qui se préparaient à rendre raison au Provençal, une fourchette s’embarrassa dans les plis de la ceinture de soie enserrant sa taille.

Machinalement il tira, la ceinture se déroula et… le flacon de cristal taillé, qu’il avait glissé sous l’étoffe, roula à terre.

Plus prompt nue lui, Francis Gairon ramassa la petite fiole au fond de laquelle restaient quelques gouttes de la liqueur brune.

Le trouble de l’aubergiste, l’élégance du flacon par rapport aux vêtements sordides du tambero frappèrent le Canadien, habitué de longue date à toutes les surprises de la prairie.

Brusquement, il porta le goulot à ses lèvres, goûta le contenu et arrêtant ses amis qui allaient boire :

— Reposez vos verres, dit-il d’un ton de commandement.

Puis, bondissant sut Gonfaccio qui cherchait à gagner la porte, il l’empoigna au collet, le ramena près de la table et, sans élever la voix :

— Coquin ! continua-t-il, tu as mêlé de l’opium à notre boisson.

— Oh ! Seigneur, pouvez-vous supposer… protesta l’accusé.

Mais Gairon le secoua rudement et tirant son couteau !

— Mon garçon, acheva-t-il, tu vas me dire pour-