Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/396

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À leur allure, il était facile de reconnaître leurs intentions malveillantes.

Cachés dans un repli de terrain, ces gens avaient laissé les voyageurs s’engager le long des marais, et maintenant ils leurs coupaient toute ligne de retraite.

En effet, à gauche, s’étendait à perte de vue la nappe stagnante du marécage, avec ses touffes de roseaux que le vent du soir entre-choquait dans un bruit sinistre… à droite, s’avançait l’ennemi.

— Ah çà ! murmura Cigale, nous sommes dans de vilains draps !

Personne ne répondit.

Soudain, Gairon, qui semblait réfléchir, s’écria :

— Pierre !

— Chef !

— Nous avons chassé naguère de ce côté.

— Oui.

— Mes souvenirs sont-ils exacts ? Il me semble qu’à cent ou cent cinquante mètres en avant de nous, doit se rencontrer une chaussée qui traverse les marais.

— Oui, chef, c’est bien cela, seulement…

L’engagé s’arrêta en promenant un regard perplexe sur ses compagnons.

— Oh ! fit Rosales, parlez. Je devine que vous avez à dire une chose défavorable. Qu’importe pour des gens décidés à mourir !

D’un geste noble, Dolorès tendit la main à l’hacendado et avec énergie :

— Oui, parlez, mon ami.

Pierre s’inclina :

— Eh bien ! doña, la chaussée dont il s’agit est un cul-de-sac.

« Elle aboutit à une déchirure du rocher au fond de laquelle coule un torrent, le Salto de Agua (c’est ainsi que l’on désigne cet endroit) qui est infranchissable pour un cheval. En nous engageant dans le chemin indiqué, nous ferions le jeu de nos adversaires, car nous n’aurions d’autre ressource que de nous faire tuer ou de nous précipiter dans le gouffre.

Un frisson secoua ses interlocuteurs.

Seul, Francis resta calme.

— Avec ma ceinture et mon lasso, dit-il, je me chargerais bien de faire franchir le Salto de Agua à la doña, si j’avais vingt minutes d’avance sur les poursuivants.