Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/398

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— Parfaitement.

— Et ils seront ainsi des cibles parfaites. Allez, allez, nous les retiendrons ici aussi longtemps qu’il nous plaira.

Rosales approuva de la tête.

— Oui, cela est vrai. Par exemple, de leur côté, ils nous empêcheront de sortir de ce maudit passage.

— Avez-vous peur ? demanda brutalement l’engagé. Si oui, laissez-moi seul.

L’hacendado avait rougi sous l’injure :

— Peur, non, mon ami… mais je quitterai la vie avec le regret de ne pas embrasser mes chers enfants. Voilà ce qui a mis une tristesse dans ma voix.

— Pardonnez-moi, señor, s’écria Pierre, touché par ces simples paroles.

Mais soudain, il s’interrompit et d’une voix brève :

— Attention ! les voilà.

En effet, dans la pénombre bleutée du soir, des silhouettes plus sombres se dessinaient sur la chaussée.

Certains d’atteindre les fugitifs, les cavaliers ne se pressaient pas. Marchant deux à deux, car le chemin n’était pas assez large pour permettre une autre formation, ils sondaient le terrain avec soin.

Bientôt la tête de la colonne arriva au point où la sente, obéissant à une légère déclivité du sol, s’enfonçait sous les eaux.

Deux cents mètres à peine les séparaient de l’embuscade.

— Si nous commencions le feu, proposa Cigale en portant son fusil à l’épaule.

Mais le chasseur rabattit vivement l’arme.

— Attendez qu’ils aient fait encore cinquante pas. L’obligation de chercher la chaussée sous l’eau et de subir notre fusillade les empêtrera davantage.

L’observation était trop juste pour n’être pas comprise immédiatement.

Tous trois, immobiles et silencieux, continuèrent à observer l’ennemi.

Après un temps d’arrêt fort court, pendant lequel les assaillants parurent se concerter, les hommes qui marchaient les premiers prirent leur parti et poussèrent leurs chevaux.

Ceux-ci, inquiets, renâclant de frayeur, avançaient lentement, tâtant du sabot le sol immergé. Cinquante