Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/403

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Or, Cigale était dans l’impossibilité d’exécuter ce mouvement. Son bras blessé pendait sans force à son côté. — Abandonnez-moi, dit le courageux Parisien, et sauvez-vous.

— Parbleu ! fit Pierre, en haussant les épaules. Quand on me demandera ce que vous êtes devenu, je répondrai : « Oh ! il était blessé en combattant auprès de moi… il me gênait pour franchir le Salto de Agua, je l’ai abandonné. » Bien sûr que cela me fera honneur.

— Cependant, il vaut mieux sacrifier un homme que trois.

— Qui vous parle de cela ?

Et s’adressant à l’hacendado, Pierre mit fin à la discussion par ces mots :

— Señor Fabian Rosales, veuillez traverser le Salto.

Il y avait tant d’assurance dans la voix du chasseur que l’interpellé ne résista pas.

Se cramponnant des deux mains au lasso, le corps se balançant dans le vide, il atteignit sans encombre la berge opposée.

— Señor, lui cria alors l’engagé, veuillez maintenir de toutes vos forces l’extrémité de la cordelette.

— Pourquoi ?

— Vous allez voir.

Puis, à Cigale :

— Montez sur mon dos, seigneur Cigale.

— Mais ?…

— Dépêchons-nous.

Le Parisien obéit, non sans pousser un cri de douleur. Dans son mouvement, il avait oublié sa blessure.

Prestement, Pierre entoura le jeune homme de sa ceinture de soie qu’il rattacha en avant sur sa propre poitrine, et s’allongeant avec son fardeau sur le sol, au bord de l’escarpement, il saisit le lasso à deux mains.

— Qu’allez-vous faire ? murmura le Parisien.

— Passer.

— En me portant ?

— Silence et… immobile.

Ce disant, l’engagé se suspendait au-dessus du gouffre. Malgré son courage, Cigale ferma les yeux.

La position était émouvante. La vie des deux