Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/404

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hommes dépendait de la résistance du frêle lien jeté à travers l’espace.

Grâce à sa force herculéenne, Pierre ne semblait pas s’apercevoir de la charge qu’il portait.

Lentement, mais sûrement, il progressait. Cinq minutes s’écoulèrent, longues comme des siècles, et les hardis voyageurs se trouvèrent le long de la falaise opposée.

Avec l’aide de Fabian, le Parisien fut hissé sur la crête, où le Canadien le suivit bientôt. À peine en sûreté, le courageux garçon ramena à lui son lasso, et il ne resta plus aucune trace du passage des fugitifs.

Cependant, Cigale tremblait violemment.

— Effet de vertige, vous avez eu peur, fit en riant le chasseur.

Le jeune homme secoua la tête :

— Non.

— Pourtant, ce frisson continu…

— Provient de ce que j’ai vu…

Et avec une émotion profonde :

— J’ai ouvert les yeux un instant, tandis que vous me souteniez au-dessus du torrent, et, en bas, brisé sur les roches, j’ai aperçu le corps d’un cheval, d’un de nos chevaux.

— Eh bien ! riposta gaiement l’engagé, cela ne m’étonne pas.

— Mais vous ne me croyez pas… regardez, regardez, je vous en prie… Dans la nuit, nos amis ont roulé peut-être dans le Salto de Agua, et…

Pierre haussa les épaules :

— Regardez donc ces herbes, là, à vos pieds… Voici les traces de Francis et de la doña. Ils ont donc franchi le mauvais pas.

— Mais les chevaux ?

— Ne pouvaient traverser le ravin… Alors, Gairon, en les piquant de son couteau, les aura contraints de sauter, avec l’idée que leurs corps, gisant au fond du précipice, feraient supposer à nos ennemis que les cavaliers avaient trouvé la mort en cet endroit.

— Vous affirmez ?…

— Parce que je suis sûr ; un chercheur de pistes comme moi ne se trompe pas. La terre est un livre où vous-même, si vous viviez quelque temps auprès de nous, liriez tout aussi clairement.