Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/65

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— Si, oh ! si.

— Alors explique-toi.

— Je n’ose pas.

Un nouveau silence suivit, bientôt rompu par la voix d’Inès.

— Vera, veux-tu que je t’aide, demanda-t-elle à sa cadette, qui, dans son émotion, semblait vouloir enfoncer son front dans l’épaule de son interlocutrice ; le veux-tu ?

— Oui, balbutia la jeune fille.

— En ce cas, je vais droit au but. Vera, ma mignonne, tu as distingué un caballero, n’est-ce pas ?

— Oui, avoua la pauvrette d’une voix à peine perceptible.

— Et c’est celui-là que tu me pries de refuser, s’il avait la pensée de songer à moi.

Les bras de Vera serrèrent plus étroitement le cou de sa sœur.

— Mais c’est entendu, ma chérie, poursuivit celle-ci. Est-ce que je pourrais vouloir une chose qui te peine ?

Et tendrement :

— Il ne te reste plus qu’à nommer ton… fiancé.

— Oh ! fiancé, répéta Vera, en secouant sa tête mutine. Il ne m’a peut-être pas même remarquée, et je suis folle de me préoccuper de lui.

Mais une larme perla sous sa paupière :

— Je suis folle, je le sais… mais je ne saurais empêcher mon cœur d’aller vers lui. Pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi ma pensée ne m’obéit-elle plus ?

— Qu’importe, si elle te mène au bonheur. Nomme-le, ma petite Vera, nomme-le.

La jeune fille hésita encore. Un dernier combat se livrait dans son âme ; enfin elle prit son parti :

— Tu ne te moqueras pas de moi ?

— Ai-je coutume de rire alors que tes yeux sont humides ?

— Non, c’est vrai et ma question est sotte, méchante. Pardonne-moi ; je vais tout te dire. Celui dont il est question est un homme étrange. Les autres n’existaient pas pour moi… lui, je l’ai vu à peine, et je souffre à l’idée de ne plus le revoir.

— Serait-ce ?…

Inès s’arrêta au moment de prononcer le nom qu’elle avait sur les lèvres.

— Achève, sœur chérie, supplia son interlocutrice.