Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/9

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Le Canadien ne releva pas l’ironie évidente des paroles du Yankee :

— Il faut apprendre ce qu’ont fait ceux qui nous ont précédés sur cette terre ; c’est aimer ses ancêtres.

— Oh ! persifla dédaigneusement Sullivan, vous n’attribuez pas ce titre aux Indiens, j’imagine.

— Vous, monsieur Sullivan, comme tous les gentlemen d’origine saxonne, vous méprisez les hommes de couleur, je le sais. Nous, Canadiens, nous proclamons au contraire que nous sommes les descendants des Peaux-Rouges du Nord-Américain, ainsi que des Normands de France. Et rien de ce qui touche les Français ou les Indiens ne nous laisse indifférents. Aujourd’hui d’ailleurs, ce qui vous inquiète, n’est-ce pas la tradition indigène ?

À cette question directe, le Yankee gonfla ses joues d’un air mécontent, mais ne répondit pas.

— Les incas et les Atzecs, au moment de la conquête espagnole-portugaise, avaient résolu de se confédérer, de réunir sous un même commandement tous les guerriers rouges, depuis les sources du Rio Grande del Norte jusqu’au Cap Horn. Eh bien, de même que les Saxons nord-américains se sont groupés en ce formidable faisceau des États-Unis, de même les Espagnols-Indiens d’origine latine, du Sud Américain, songent à former la puissante confédération rêvée par les indigènes d’autrefois. Cela me paraît juste.

— Juste, juste… grommela Sullivan… cela est nuisible au pays yankee. Actuellement nous dominons toute l’Amérique ; il n’en serait plus de même si le Sud se réunissait en États-Unis.

— Alors donc, vous cherchez à empêcher cela, uniquement par intérêt.

Cette fois, l’interlocuteur du chasseur s’expliqua nettement :

— Eh bien, oui, par intérêt, par patriotisme. Et je déteste tous ces gachupinos[1] du Sud, et, plus que les autres, cette Dolorès Pacheco, la Mestiza, comme ils l’appellent, qui bouleverse les cervelles pour arriver à retrouver le Collier Inca-atzec, aux six pendeloques de lapis, aux six pendeloques d’opale, dont la vue réunirait tous les indios sous la même bannière.

  1. Gachupinos, terme de mépris appliqué naguère aux Espagnols, étendu aujourd’hui à toute la population.