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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

point le sens de ses paroles, allait s’éteindre cette femme, dont nul ne savait le nom, numéro 1313, qu’un scribe indifférent rayerait sur le livre d’écrou, avec la mention banale :

« Inhumée le..........
Compte arrêté après vingt-cinq ans et dix-sept jours…

Vingt-Cinq ans et dix-sept jours ! Ligne atroce dans sa concision chiffrée !

Elle signifiait que, depuis vingt-cinq années, cette infortunée végétait là, séparée du monde vivant. Vingt-cinq ans !… elle en avait peut-être cinquante à présent.

Elle était entrée là, jeune, souriante encore, la joue veloutée… Elle en sortirait vieillie, brisée, pour être confiée à la terre, cette terre qui, après avoir été la nourricière, accorde à tous le dernier asile.

Elle se souleva encore, les bras tendus vers la porte, et d’un ton impossible à rendre :

— Il approche !… Il va paraître… Albert ! mon petit Albert ! Tu seras protégé !

Elle achevait à peine que le battant massif tournait lentement sur ses gonds. Dans l’encadrement se profila la silhouette élégante de Dodekhan !

Les Turkmènes se penchèrent en avant, les mains tendues en un geste implorant, tels les adorateurs aux attitudes rituelles des bas-reliefs babyloniens.

Le jeune homme les salua de la main, puis glissant sans bruit sur le plancher, il s’approcha du lit de la malade.

Celle-ci eut une expression extatique :

— Dodekhan ! murmura-t-elle sur le ton de la prière. Dodekhan ! c’est lui tel que je l’ai connu

Le jeune homme lui prit vivement la main.

— Tais-toi, femme… Tes paroles me prouvent que tu es bien celle que je cherchais ! Mais les autres ne doivent pas savoir que le fils de Dilevnor se cache sous ce sobriquet divin de Dodekhan.

— Son fils !… Vous êtes son fils !

Elle se passa les mains sur le front, puis de même que si la lumière se faisait en son esprit :

— C’est vrai ! les années ont coulé… j’étais une enfant… Il serait un vieillard.

— Il est retourné à l’infini, murmura le Turkmène d’une voix profonde.