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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

Mais ses ressources étaient limitées… Les précautions indispensables à prendre retardèrent sa marche.

Il arriva, quand déjà le château était en flammes.

Au risque de sa vie, il put m’arracher au feu, mais moi seule. J’étais marquée pour souffrir plus longtemps que les autres.

J’abrège, pour passer à la seconde partie de ma vie.

Dilevnor comprit que si mon existence était connue, Hector n’hésiterait pas à me frapper, pour rester seul possesseur de la fortune. D’autre part, un scandale judiciaire eût déshonoré le nom d’Armaris.

Il m’emporta à Genève, laissa mon oncle hériter, vendre à vil prix les terres et les bois, puis dilapider le tout en orgies.

Désormais je m’appelais Louise-Albertine, et j’étais l’enfant d’adoption de cet homme de bien.

Elle s’arrêta un instant. Des larmes ruisselaient sur ses joues amaigries.

Dodekhan, lui aussi, pleurait.

Mais il parut faire un effort violent et murmura :

— Parlez, madame, parlez ; dans trente minutes, on viendra m’arrêter ici.

— Vous arrêter ? redit-elle saisie.

Il la rassura d’un sourire :

— Cela n’a aucune importance. Demain, je vous l’ai affirmé, je vous l’affirme encore, je serai libre. Mais il faut que je n’ignore plus rien du fils que vous me léguez comme frère.

Et d’un ton mi-railleur, mi-tendre :

— Mon père adopta la mère comme sa fille, j’adopte le fils comme mon frère.

De ses mains tremblantes, la moribonde étreignit la main du jeune homme, et comme si elle avait puisé de nouvelles forces dans ses paroles :

— Que vous dirai-je ? reprit-elle. Les années passèrent. Les dangers, les nécessités de l’œuvre géante entreprise par Dilevnor, nous condamnaient à une existence nomade.

Nous parcourûmes l’Allemagne, l’Autriche, la Turquie, l’Asie Mineure, les pays Afghans, Persans, Beloutchis, Hindous, Indochinois. La Chine et le Japon nous virent sur leurs territoires.

Ce fut à Fusyihama, dans ce dernier pays, que je rencontrai celui qui devait être mon époux.

Il se nommait Prince, était ingénieur et Français. Il me donna toute son âme et, en toute confiance, sans même remarquer certaines irrégularités d’écritures que mon père adoptif, malgré ses soins, n’avait pu éviter, il épousa Louise-Albertine, enfant trouvée, sans nom.