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LE PRINCE VIRGULE.

— N’est rien ; … que l’affection est tout ; … que l’argent, non plus, n’est rien.

— Vous exagérez. Tout cela est quelque chose, comme un plaisir, un jouet, un instrument de sport, un amusement.

— Ah ! joli amusement ! soupira le jeune homme qui, il faut en convenir, n’avait pas sujet de trouver amusants la fortune ou les blasons.

Elle le menaça du doigt.

— Si, si, il ne faut pas aller trop loin ; mais c’est égal, c’est gentil à vous de parler ainsi.

Et la voix baissée :

— Alors, ma personne vous semble préférable à ma dot ?

— Oh ! oui, fit-il avec ferveur.

— Cela est tout à fait vrai ?

— Tout à fait. À ce point que je voudrais qu’un incident vous ruinât pour vous dire : « Laura, unissez votre pauvreté à la mienne. Laissez-moi travailler pour vous refaire, sinon une fortune, du moins une existence aisée ».

Un brouillard sur les yeux, la respiration précipitée, la jeune fille mit sa main dans celle de son interlocuteur.

— Vous me rendez bien fière et bien heureuse.

— Fière… suis-je digne de vous ?

— Oui, puisque votre pensée va avec la mienne.

Puis après un court silence :

— Et je veux vous récompenser.

— Me récompenser ?

— En vous jurant…

Elle s’arrêta. Lui questionna :

— Me jurer quoi ?

— Que je voudrais aussi, bien sincèrement, que vous pussiez perdre votre couronne princière, pour vous choisir entre tous, sans titre… si cela ne devait pas vous faire trop de peine de perdre la couronne.

— De la peine !

Albert eut besoin d’un effort surhumain pour ne pas clamer :

— La couronne… Ah ! bien, en voilà un genre de chapeau qui ne me préoccupe pas !

Mais, en dépit du charme de Laura, de ses grands yeux sincères, il ne parvint pas à se persuader qu’elle exprimait bien loyalement l’état de son âme.