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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Non, mistress, c’est un coup du sort qui m’a frappé en plein cœur.

Il dit cela d’un ton si affectueusement bête qu’Arabella eut pitié de lui.

Elle se rapprocha, lui fit signe de s’asseoir à côté d’elle, et doucement, avec un regard languissant :

— Voyons, expliquons-nous, car enfin, depuis hier, règne entre nous un malentendu auquel je ne comprends rien.

— Ah ! vous n’y comprenez rien.

La face ébaubie du lieutenant faillit déterminer chez son épouse un accès de fou rire, qui en la circonstance aurait été du plus fâcheux effet.

Elle se mordit donc les lèvres, très fort, pour arrêter cette hilarité intempestive et, d’un accent convaincu :

— Hier soir, j’attendais votre retour en pensant à vous.

— Hum ! bougonna Josué.

— En pensant à vous, répéta la potelée mistress avec plus de force. Tout à coup, vous faites irruption dans cette pièce comme un furieux… Vous m’injuriez… Vous criez que je suis dans les bras d’un policeman.

— Certainement, je le crie.

— C’est ce qui me fait dire que vous étiez ivre.

— Comment ivre ?

— Certainement, mon pauvre ami… Car enfin, il faut bien raisonner… je ne pouvais pas être à la fois dans les bras d’un policeman et être toute seule.

— Mais vous n’étiez pas seule.

— Je vous demande pardon.

— Ils étaient trois à l’entour de vous.

— Trois ?

Arabella se prit la tête à deux mains.

— Trois à présent !… Ce policeman fait des petits.

Puis, levant les bras au ciel en un geste d’ardente prière, elle gémit d’une intonation si parfaitement sincère, que le lieutenant sentit sa conviction ébranlée.

— Seigneur, Seigneur, s’il devient fou, ôtez-moi l’existence, afin que je ne voie pas la démence de celui qui est la fleur de ma vie !

Presque timidement, Soda murmura :

— Cependant j’ai appelé la garde.

— Oui, cela est vrai ; vous l’avez appelée.

— Et j’ai fait conduire ces trois hommes à la salle de police.