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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Mais cela ne dura qu’un instant.

Son joli visage reprit sa sécurité malicieuse, et les yeux brillants, la lèvre narquoise :

— Êtes-vous sûr, monsieur le policier, que tous ceux qui arrêtent les autres, ne méritent pas d’être arrêtés ?

Et comme il la regardait interloqué :

— Vous n’osez rien affirmer, continua-t-elle dans un éclat de rire étouffé. Eh bien ! moi, je pense également que, parmi ceux que l’on arrête, certains mériteraient de rester libres.

Elle ponctua sa phrase d’une révérence qui eût fait songer aux beaux jours de Trianon, si les assistants avaient connu le joli palais, caprice d’une reine qui ne soupçonnait pas qu’en jouant à la bergère, elle était déjà sur le chemin de l’échafaud, et revenant au général :

— Eh bien ! papa, c’est pardonné ?

— Il le faut bien. Pourquoi sermonner quand le mal est fait ?…

— Oh ! je t’aime, va… Tu veux bien que je te suive chez la « Française ».

Il marqua une hésitation.

— Va… il vaut mieux que je sois avec toi, que toute seule, dans ces ténèbres peuplées de bêtes qui hurlent.

— Ma foi… viens, petit diable.

— Un diable dont vous êtes le dieu, méchant père.

Elle lui sauta au cou, et le brave gouverneur lui rendant ses baisers, avec la tendresse attristée d’un père qui, dans quelques heures, va se séparer de sa fille, murmura pour se donner une contenance :

— Allons, en route… chez la « Française ».