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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/80

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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

On sentait en elle la fille d’un soldat.

Pourtant, elle se trouva un moment, en suivant le bord de la mer, sur une étroite sente rocheuse, resserrée entre un mur de digue et la limite des eaux.

Elle était bien seule. Personne ne pouvait surveiller ses mouvements.

Vivement elle tira de sa poche un feuillet de papier froissé.

Elle le défripa, le déploya et d’un ton rêveur :

« Partez demain… je vous rejoindrai là où vous, ne passeriez pas sans moi. Déchirez après avoir lu… — Signé : 12. »

Elle demeura là un moment, sa jeune et jolie tête penchée, les yeux vaguement fixés sur les petites vagues de la rade, où les brise-glace avaient provoqué une débâcle anticipée.

Enfin elle eut un geste résolu :

— Il m’a sauvé la vie… et à cette grosse ridicule Lisbe également… Il faut lui obéir… Après tout, on ne regrette jamais une précaution.

Et tout en déchirant le papier en menus morceaux, qu’elle jeta un à un dans la mer, elle continua :

— C’est égal, c’est la figure de père… ou bien celle de tante Olga que je voudrais voir s’ils savaient…

Elle se prit à rire :

— Mon ami, le forçat Dodekhan !

Puis redevenant grave :

— Plus tard, je leur raconterai l’aventure… On aura beau dire, elle n’est point banale.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le lendemain, à sept heures cinquante-trois du matin, par une tempête déneige, retour offensif de l’hiver près de finir, Mona, escortée par Lisbe et M. Kozets, se rendit à la gare du Transsibérien.

Déjà le personnel militaire lui avait réservé le fond de l’un des immenses wagons composant le convoi, et ses bagages, literie, ustensiles de toute espèce, — car la vie en chemin de fer nécessite, là-bas, une véritable installation, — se trouvaient rangés, équipés.

On avait voulu faire bien les choses pour la fille du gouverneur de Sakhaline, Son Excellence le général Labianov.

Un coup de cloche retentit, annonçant l’heure du départ, et lentement la locomotive, se couronnant d’un panache de fumée, entraîna la file des voitures.

La mer, Vladivostok, ses forts, restèrent en arrière. On franchit la station de Nikolsk, où s’embranche la ligne de Khabarovsk.