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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

José, jaune de colère et de rage se ramassait derrière un meuble, et sa main droite se crispait sur la crosse d’un revolver qu’il venait de tirer de sa ceinture. Une idée lumineuse traversa l’esprit de Lavarède.

— Je n’ai pas d’armes ; ce revolver… c’est lui qui va donner le signal, — et gaiement — une révolution pour miss Aurett !

Puis, reprenant tout son sang-froid, il commença, lui, désarmé, de railler son adversaire armé.

— Prends garde, José, tu blêmis… tu as peur et tu vas me manquer.

Le rastaquouère allonge le bras et tire. Un cri de la jeune fille répond à la détonation. Mais Armand n’a pas bronché.

— Je te l’avais bien dit.

Il est souriant, les bras croisés, et nargue encore l’Américain. Celui-ci ajuste, mieux cette fois sans doute.

— Manqué encore, fait le Français, auquel pourtant échappe un mouvement imperceptible…

Mais, de son épaule gauche, un filet de sang coule sur sa veste de cuir.

Aurett l’a vu… Elle se précipite pour le couvrir de son corps… José hésite à tirer, il ne veut pas atteindre la belle Anglaise aux millions. Armand voit cette appréhension. D’un geste, il écarte son amie et redevient provocant.

— Lâche ! crie-t-il à José… tire donc une troisième balle… je la veux, tu n’oseras donc pas ?… une troisième, te dis-je !… poltron !

Sous l’injure, le misérable se redresse comme sous un coup de fouet. Livide, il vise, il vise lentement, droit au cœur… au moment où il presse la gâchette, sa face blême s’éclaire d’un mauvais sourire…

Il tire !

C’en est fait, Lavarède, cible vivante, doit être mort. Mais une main a fait dévier la balle. Miss Aurett, au risque de se faire tuer, s’est élancée sur José. D’un mouvement rapide elle a relevé son bras armé, et la troisième balle est allée se perdre dans la muraille. Lavarède est sauvé par elle.

Un éclair de joie illumine leurs visages. Chez miss Aurett, c’est le bonheur d’avoir préservé les jours de son ami. Chez lui, c’est un autre triomphe encore.

En réponse à la troisième détonation, des cris tumultueux ont retenti au dehors. C’est la révolution qui commence. Et Armand, quittant le rôle passif qui ne lui est plus utile, se précipite sur José terrifié et le désarme.

Aussitôt quelques hommes pénètrent dans la chambre, et s’emparent du gouverneur. D’autres envahissent le patio. Par la fenêtre du rez-de-