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L’ODYSSÉE D’UN PRÉSIDENT.

Elle accompagnait ses réflexions d’un sourire matin qui involontairement, en disait plus long même qu’elle ne pensait. C’est qu’elle se prenait tout de bon à tendrement aimer, — d’amitié certes, mais d’amitié profonde, son jeune et courageux défenseur.


Allô !… allô !… disait une voix.

Le voyage se continua sous les mêmes auspices. Moins de vingt jours après le départ du Golfo Dulce, notre ami fit une entrée triomphale à San José, où la rumeur publique avait annoncé son arrivée. Les dépêches télégraphiques aidant, un coup de théâtre inattendu guettait ici « le général La Bareda ». Les cloches sonnaient à toutes volées, les deux canons de la ville tonnaient, le peuple clamait, et les bourgeois, petits et grands, attendaient résignés, sentant qu’il n’y avait pas à lutter contre la poussée populaire.

Partis de Cambo deux cents, les amis du Libérateur des peuples étaient six mille en arrivant à San José. Sur la place Mayor l’attendaient l’armée rangée sur un côté, cent cinquante hommes environ, les délégations des villes de Puntarenas, d’Orosi, d’Angostura, rangées sur une autre face du carré ; on remarquait surtout les délégués de Cartago, la cité rivale, qui étaient venue saluer le Libérateur. En face de l’armée se tenaient les autorités de toute sorte, et les généraux et colonels en grand nombre. Le quatrième côté appartenait aux chefs de la troupe victorieuse.

Le peuple se pressait à toutes les issues, criant à pleins poumons. Une foule hurlante grouillait sur les toitures des palais de justice, présidentiel et national, des églises de la Soledad, de la Merced, des Dolorès du Carmen, des temples protestant et maçonnique, du séminaire, de l’Université, du collège de Sion, de l’Orphelinat, partout enfin où il y avait place pour un manifestant. La population ordinaire de la capitale était doublée, et trente mille voix criaient :

— Viva le général La Bareda ! Viva le Liberador des peuples ! Viva notre président.

— Mais qu’est-ce qu’ils disent donc ?… fit Armand inquiet.

Le président des douze députés de la République s’avança :