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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Ensuite je ne suis pas marié…

— Le peuple a ratifié.

— Nom d’un chien ! jura plaisamment Lavarède, je ne veux cependant pas rester ici… j’y perdrais trop… quatre millions !… Enfin, la nuit porte conseil, venez causer avec moi demain à mon réveil…

— J’obéirai, Excellence ; mais avant de passer dans la salle du banquet, où vous attendent les autorités et votre famille…

— Pas ma famille, mes amis.

— Soit… auparavant, dis-je, ne voulez-vous pas connaître le complot ? Le directeur de votre police n’a pas encore coupé la communication.

— Ah ! c’est vrai… écoutons le téléphone.

Le messager électrique, imaginé par Edison, communiquait du palais à l’habitation de l’ex-président, le docteur Guzman, située près de la promenade du parc Central. Dans une salle étaient réunis trois hommes qui discutaient avec animation ; leurs voix résonnaient sur la plaque métallique.

— C’est votre faute à vous, Guzman, disait le général Zelaya ! Si vous n’aviez pas fait des concessions au parti noir, si vous n’aviez pas rêvé de faire rentrer les jésuites, chassés de chez nous depuis tant d’années, vous n’auriez pas été renversé si aisément.

— Mais c’est bien plus votre faute à vous, général, ripostait le docteur !… Si vous n’aviez pas préparé le mouvement, pensant qu’il tournerait à votre profit, si vous n’aviez pas soulevé les ouvriers et démoralisé l’armée, cet aventurier étranger n’aurait pas réussi en un tour de main.

— Et moi, geignait Hyeronimo d’un ton lamentable, si je ne lui avais pas confié ma mule Matagna que tout le peuple connaît, si j’avais donné moi-même le signal, c’est moi qui serais aujourd’hui président à sa place !…

Tout à coup ils s’interrompirent, la sonnette d’appel tintait résolument.

— Allô ! Allô ! disait une voix, vous êtes en communication avec le palais présidentiel.

Les mécontents pâlirent. Ils se crurent perdus.

— Qu’y a-t-il ? demanda Zelaya venant de son côté à l’appareil.

— Il y a qu’il vous arrive un appui pour renverser La Bareda.

— Vous êtes donc de l’entourage du président ?…

— J’y touche de très près.

— Qui êtes-vous ?

— La Bareda lui-même.