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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/116

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LES GUATUSOS.

médiaire. Agostin fut consulté. Il était facile, selon lui, de s’arrêter près de Calabozo, et comme il avait compris qu’on voulait surtout éviter d’être rencontré et reconnu, il indiqua que l’on reprendrait le voyage à mulets et que l’on traverserait le pays des Indiens Talamancas.

— C’est, dit-il, la contrée la plus déserte de tout le territoire.

— Allons, cela va recommencer comme avec Ramon… mais du moins c’est la liberté… Sir Murlyton, je crois qu’il faut, pour un temps, dire adieu au roastbeef de la vieille Angleterre ; nous rentrons dans le paradis des galettes de manioc et des tortillas de maïs.

La caravane descendit, comme Agostin l’avait conseillé, à un passage à niveau non gardé, évitant ainsi les réclamations pécuniaires de la Compagnie et, se dirigeant vers le Sud-Est, suivit le flanc inférieur des montagnes en s’efforçant de voir, au moins une fois chaque jour, la mer au loin sur sa gauche afin de ne pas perdre sa direction. Seulement, ce que nos amis ne remarquèrent pas à Calabozo, ce fut don José qui, les ayant aperçus à Tucurrique, était monté dans le même train et les observait prudemment.

Les ayant vus s’engager vers cette contrée presque inhabitée du versant atlantique, il savait, lui qui connaissait le pays, dans combien de jours il pourrait les retrouver et où ils devaient arriver à la fin. Il ne pensait certainement pas à obéir à la Constitution et à ramener le président fugitif : c’était pour servir sa propre vengeance et les intérêts de Bouvreuil qu’il était en Costa-Rica.

Miss Aurett s’était légèrement trompée en le croyant revenu, — il n’était pas parti. Embarqué de force sur un caboteur mexicain, il s’était arrêté avec son compagnon à la première escale après Limon, à l’embouchure du San Juan de Nicaragua. Puis, ayant renvoyé Bouvreuil attendre à Colon, — où les communications sont faciles avec toute cette partie de la côte, — il étant entré dans le Nord du Costa-Rica, muni d’une belle somme d’argent exigée de son complice, et là il s’était mis en rapport avec un chef des Guatusos, Indiens qui habitent entre le Nicaragua et le Costa-Rica. Nous ne tarderons pas à connaître la suite de sa démarche.

Pendant les premières journées de route, les incidents du voyage de Lavarède et des siens n’offrirent aucune particularité inquiétante.

La seule difficulté matérielle était le passage des rios torrentiels qui descendent des montagnes ; l’aide des Indiens et de leurs radeaux fut précieuse.

Le 3 juillet, ils atteignirent les premiers contreforts des Montes-Negros, en évitant les villes de Bribri et de Cuabré, sur la rive droite du rio