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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Dorado, — car Lavarède ne se souciait point de rencontrer des autorités costariciennes.

— J’aime mieux les sauvages, disait-il ; au moins ils ne construisent pas de prisons.

Ayant trouvé au flanc d’un mamelon abrupt une sorte de ruine, qui avait du être, au siècle précédent, un rancho, abandonné depuis, ils y avaient passé la nuit, lorsqu’au lever du soleil les mules se mirent à hennir d’une façon particulière.

Agostin, avec son flair d’Indien, déclara qu’il devait y avoir du danger aux environs. Il examina la campagne et bientôt désignant un point lointain :

— Assez loin, vers le Nord-Ouest, à peu près sur les traces de notre route d’hier, je distingue une autre caravane… elle paraît nombreuse… Il y a au moins une trentaine de chevaux et de mulets.

Une inquiétude prit Lavarède.

— Est-ce que ce sont des soldats ?

— Non… il me semble reconnaître l’accoutrement des Indiens.

— Alors, pas de danger ?

— Aucun si ce sont des gardeurs de troupeaux ou des nomades voyageant en tribu… Je les vois un peu mieux à présent, ils sont armés presque tous de fusils. Cela m’étonne, car les indigènes du Talamanca ne sont pas grands chasseurs, ils pêchent plus volontiers qu’ils ne chassent.

Quelques minutes se passèrent encore. Les quatre voyageurs avaient les yeux fixés sur ce groupe lointain qui se rapprochait et que les rayons du soleil levant commençaient d’éclairer. Tout à coup, Agostin blêmit. Lui qui jusqu’ici ne semblait pas aisé à effrayer, il claquait des dents et montrait les signes de la plus vive épouvante.

— Qu’y a-t-il ?… Qu’as-tu ?…

— Ce sont les Guatusos !…

— Eh bien !…

— Les terribles Guatusos, les Indiens au visage pale, aux yeux bleus, aux cheveux roux…

— On dirait des Anglais à ce signalement, fit sir Murlyton.

— Hélas, oui !… ce sont les fils d’une bande de pirates anglais égarés il y a cent ans sur les bords du rio Frio, et qui ont apporté dans la tribu qui les a recueillis des mœurs féroces et sanguinaire.

— Que dites-vous là ?…

— La vérité, malheureusement ; les Guatusos, ou Pranzos, sont capa-