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LES GUATUSOS.

bles des plus grandes cruautés… Si c’est à nous que ceux-ci en veulent, nous sommes morts !…

— Mais, interrompit Armand comment se fait-il que ces sauvages, habitant au Nord du Poas, soient venus ici, dans le Sud du territoire ?…

— Excellence, je ne me l’explique pas… Ceux-là, voyez-vous, tueraient leur père pour avoir de l’argent et boire de l’aguardiente.

— De l’argent ?… si on leur en donnait pour s’en aller ? hasarda Murlyton.

— Vous oubliez que nous n’en avons pas dans nos poches et qu’ils doivent ignorer les chèques.

— Non, non, murmura Agostin… ne les attirons pas… et surtout ne bougeons pas… Ah ! si par bonheur ils pouvaient passer sans se douter que nous sommes ici, je sacrifierais avec joie au Grand-Esprit.

— Toi, tu es catholique cependant ?…

— Oui, Votre Grâce, connue tous les Indiens pauvres… mais cela ne nous a jamais empêchés, quand nous sommes en danger, ou entre nous, de prier aussi le Grand-Esprit Tule, le dieu de nos pères et de notre patrie.

Dans sa terreur, il avouait ce que, par tradition, les indigènes ont toujours caché avec soin, par peur des conquérants espagnols.

À ce moment, nos voyageurs, purent, faire de leur observatoire, une inquiétante constatation. Aux appels de leurs mules, d’autres appels avaient répondu. Les trente cavaliers guatusos s’étaient d’abord arrêtés ; ils avaient semblé tenir conseil ; puis, changeant de route, leur groupe compact, précédé d’une dizaine d’entre eux espacés en fourrageurs, s’était dirigé vers le rancho, escaladant, par un mouvement enveloppant, le mamelon sur lequel campaient Lavarède et ses compagnons de route.

Si ceux-ci avaient pu conserver encore un doute sur l’intention des Guatusos, nulle hésitation n’allait plus leur être permise. Miss Aurett, qui avait braqué sur eux sa jumelle, pâlit légèrement et dit :

— L’aspect physique de ces Indiens répond bien au signalement que nous en a donné Agostin… De plus je viens de reconnaître au milieu d’eux notre ennemi don José.

— Quel parti devons-nous prendre ? demanda froidement Murlyton, sans que sa voix trahit le moindre trouble.

— Un seul, fit résolument Lavarède, résister… Nous avons des armes, il faut nous en servir et retirer à ces bandits l’envie de nous approcher de trop près.

Les rôles furent distribués aussitôt. Les trois hommes s’embusquèrent,