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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

abrités par des fragments de muraille, Agostin armé de son fusil, Armand et Murlyton de leurs revolvers à longue portée. Ils attendirent que les premiers cavaliers ne fussent pas éloignés de plus de deux cents mètres et firent feu tous les trois ensemble. Deux Indiens tombèrent, le cheval d’un troisième se cabra, il n’obéissait plus à son cavalier, il avait été blessé et redescendit chancelant.

Mais le mouvement ascensionnel des assaillants ne s’arrêta pas à cette première escarmouche. Il fallut deux salves nouvelles qui firent encore cinq victimes, tant chevaux qu’Indiens, pour que les agresseurs décidassent à rebrousser chemin et, par un temps de galop allongé, à se placer hors de portée des armes à feu. Mais ils restèrent en vue, à peine dissimulés par un pli de terrain et un bouquet d’arbustes tropicaux.

— Leur attaque par surprise n’a pas réussi, dit Lavarède… Observons-les attentivement, car ils ne s’en tiendront pas là.

À l’aide de la jumelle anglaise, on voyait distinctement ce qui passait. Les blessés et les morts étaient étendus, au nombre de cinq, sous un arbre, auprès d’un petit cours d’eau, — un Guatuso les gardait et les soignait. Agostin aperçut deux cavaliers placés en vedette de façon à ne pas perdre de vue le rancho sur la gauche et sur la droite.

À l’exception de ces deux-là, les autres avaient mis pied à terre et une « palabre » s’engageait. À leurs gestes désignant le mamelon, on pouvait deviner qu’ils concertaient une agression nouvelle plus prudente sans doute. Et nos amis redoublèrent de surveillance, se tenant sans cesse sur leurs gardes.

Mais, à leur grand étonnement, la journée tout entière se passa de la sorte. On s’observait mutuellement. Agostin fit remarquer que les forces des gens et des bêtes avaient besoin d’être soutenues.

On avait quelques boîtes de conserves, plus le don national, la fameuse caisse de biscuits de mer. Les quatre convives firent largement honneur à ces provisions. Quant aux mules, on leur distribua du biscuit concassé et trempé. Dans la montagne, les sources ne manquent pas. À dix mètres en arrière du rancho jaillissait justement en un mince filet une source claire et limpide.

Cependant la nuit approchait. Lorsque l’ombre s’étendrait sur le pays, Lavarède redoutait une attaque. Il fut convenu que chacun se reposerait à tour de rôle. On était quatre : Murlyton et Aurett dormiraient pendant que veilleraient Armand et Agostin, en se relevant de deux en deux heures.