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DE L’ATLANTIQUE AU PACIFIQUE

route, aux stations proches de la montagne, ils eurent beau s’informer : personne n’avait vu descendre le blessé dont ils donnaient le signalement. Vers la Culebra, ils virent Gérolans et Ramon, qui revenaient de Panama, et ils les interrogèrent.

— Ennemis de notre ami, dit tous bas l’Indien au Français, laisse-moi faire.

Et il leur indiqua une fausse piste : Le convoi s’était soi-disant arrêté dans le pays fleuri qui domine le versant du Pacifique ; mais il ignorait le nom du pueblo vers lequel on avait dirigé le malade.

Cela suffit à leur faire perdre une journée en inutiles recherches. Il n’en fallait pas davantage. Quand, le 18 juillet, surlendemain de leur départ de Colon, ils arrivèrent à Panama, ce fut tout juste pour voir déraper l’Alaska et apercevoir sur le pont la silhouette de la blonde miss. Impossible de rattraper le steamer… et il n’y a de départ régulier que trois fois par mois !…

Ce fut chez Bouvreuil et José un débordement de jurons et de blasphèmes à scandaliser un parpaillot !

Un juif qui passait sur le quai de la Ville Vieille, — les juifs ont depuis quelques années accaparé presque tout le commerce du pays, — les entendit et, flairant une aubaine, puisqu’une passion humaine était en jeu, il s’enquit des motifs de cette colère.

— C’était, clamait José, une affaire magnifique ratée parce que lui et son ami venaient de manquer le départ du bateau. À tout prix il faudrait être à San Francisco en même temps que l’Alaska.

— En même temps, ce n’est pas possible, mais à un ou deux jours près, je vous en fournirai le moyen… si vous avez de l’argent.

Pour un condor de Colombie, soit cinquante francs en or, l’Israélite apporta le précieux renseignement que la lecture attentive des indicateurs maritimes, mexicains et américains, leur eût donné gratis. Il suffisant de retourner au plus vite à Colon par le railway isthmique, et de s’y embarquer pour la Jamaïque. Cette île est reliée par un service régulier avec la Havane, qui est en rapports constants et quotidiens avec la Vera-Cruz. Là, rien de plus simple que de prendre le si curieux Camino de hierro nacional mexicano, qui conduit à Mexico, — et traverse en douze heures les trois zones, torride, tempérée et froide, en montrant au voyageur les végétations tropicales d’en bas, reliées aux sapins neigeux des sommets par un rappel des forêts d’Europe dans les hauteurs moyennes. À Mexico, le Laredo-Ruta leur indiquerait par le ferro-carril le chemin le plus direct, El paso del