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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/151

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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Contre vingt-six dollars, je transmets… L’administration ne fait pas crédit.

Et sur cette-réponse, il ferme son guichet au nez des voyageurs déconfits.

La nuit tombait quand l’Anglais, très affecté, rentra à l’hôtel. Aurett était presque aussi abattue que son père ; et l’anxiété peinte sur son visage étouffait toute velléité joyeuse chez le Parisien.

Le dîner fut silencieux et, la dernière bouchée avalée, sir Murlyton et la jeune fille se retirèrent dans leurs chambres. Lavarède s’ennuya une demi-heure au parloir, parmi des inconnus de toutes nationalités et, à son tour, rentra chez lui.

Le lendemain, vers neuf heures, miss Aurett buvait mélancoliquement une tasse de thé dans laquelle elle trempait des rôties. Elle était venue retrouver son père qui, pas plus qu’elle, n’avait dormi. Tous deux étaient pâles et une pensée fastidieuse leur revenait toujours.

— Nous sommes à quatre mille lieues de notre pays, sans un penny en poche.

— Et avec cela, continua à haute voix la jeune fille, si ce jeune homme trouve le moyen de continuer son voyage, nous n’avons pas le droit de le retenir.

— Ah ! si cet employé du télégraphe avait consenti à me faire crédit !

— Oui, mais il n’a pas voulu, c’était son droit…

— C’est bien ce qui m’embarrasse. Je ne sais que faire : aller chez notre consul ? Mais mon voleur a emporté mes papiers en même temps que mes banknotes. Il faudra une enquête, quinze jours peut-être… et pourtant je ne vois pas d’autre moyen.

À ce moment, un coup discret fut frappé à la porte et l’un des stewarts parut.

M. Armand Lavarède, dit-il, demande si, malgré l’heure matinale, monsieur peut le recevoir. Il aurait à l’entretenir d’une affaire importante.

Sir Murlyton regarda sa fille ; les yeux de miss Aurett exprimaient l’espoir. Le seul nom du Français l’avait rassérénée.

— Qu’il vienne, fit-il.

Un instant après, le jeune homme faisait son entrée. Il était souriant. Tout dans sa personne trahissait le contentement. La jeune Anglaise pensa que si M. Armand paraissait satisfait, c’est qu’il avait dû trouver un moyen de mettre fin à leurs ennuis.

— Je vais droit au fait, déclara Lavarède, après un rapide shake hand à ses amis. Adversaires courtois, nous faisons le tour du monde ensemble.