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FRISCO

qui glanent les rares parcelles d’or oubliées dans les gisements abandonnés, arma son revolver, et d’une voix rauque :

— Part à deux, mon négociant ; je t’ai jeté un « cent », je me contenterai d’un demi-dollar de bénéfice… pour l’alchimiste, s’il vous plaît.

Il tenait Armand en joue.

L’Anglaise vit le mouvement et poussa un cri. Sir Murlyton fit un pas pour s’interposer, mais le Parisien l’arrêta du geste. Mettant, lui aussi, le revolver à la main, il fit face à son adversaire. Celui-ci pressa sur la détente. Une balle siffla aux oreilles du journaliste et alla trouer le chapeau d’un passant, — un véritable Américain, celui-là, qui se retourna en maugréant :


Part à deux, mon négociant…

— Assommants, ces gens qui s’expliquent dans la rue !…

Et il s’en alla en brossant le poil de son chapeau.

Armand tira à son tour et avec tant de bonheur qu’il brisa la crosse de l’arme de son agresseur, dont la main fut traversée du même coup.

— Est-ce assez, demanda-t-il ?

Yes, maugréa le blessé, all right !

Le saluant légèrement de la tête, Lavarède se disposait à s’éloigner. Il avait hâte de rejoindre ses amis qu’il voyait à dix pas de lui, comme cloués au sol, le gentleman très rouge, la jeune fille subitement pâlie. Mais un nouvel incident le retarda encore. Un Chinois, qu’à sa tunique bleue, à sa calotte surmontée d’un globule d’ambre, on reconnaissait pour un lettré de deuxième classe, lui barra le passage. Ce « Céleste » s’était arrêté un des premiers auprès du jeune homme. Il avait assisté à toute la scène avec un air de satisfaction ardente.

— Vous avez du sang-froid, monsieur, dit-il en anglais nasillé.

Le Français le regarda en souriant :

— Est-ce une deuxième querelle ?