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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/222

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DES SANDWICH À LA CÔTE CHINOISE.

Miss Aurett retint avec peine un cri de surprise. Cinq individus étaient là et elle reconnaissait en eux les passagers chinois embarqués à Honolulu.

Or, jusqu’à ce jour, ces personnages avaient feint de ne point se connaître. Dans quel but se réunissaient-ils ainsi, au milieu de la nuit, dans ce lieu où nul ne pénétrait ?

Sir Murlyton se faisait la même question. Quant au journaliste, il regardait curieusement, attendant que le mystère s’expliquât de lui-même.

— Frères, Han, Jap, Toung et Li, commença celui qui paraissait être le chef, écoutez-moi.

Il parlait d’une voix couverte, mais qui arrivait jusqu’aux Européens.

— Ah ! ça, murmura Armand tout interloqué, voilà que je comprends le chinois maintenant.

— Deux d’entre vous, continua l’orateur, ont été élevés par les Prêtres blancs. Ils ignorent la langue des fils de Han, je m’exprimerai donc en patois hawaïen, car tous doivent entendre.

— Bon, bon, souligna le Parisien, l’explication me rassure.

La main d’Aurett s’appuya sur le bras du jeune homme pour l’inviter au silence. Le Chinois continuait :

— Frères, demain nous atteindrons Nagasaki où Jap, Toung et Li descendront à terre pour gagner la côte chinoise à bord de la première jonque marchande qui se présentera.

Les Chinois inclinèrent la tête.

— Vous savez pourquoi notre chef suprême nous a rappelés. Notre Société « Pas d’hypocrisie » mérite son nom. Le moindre des adeptes sait pourquoi et contre quoi il combat. Chacun de nous représente un détachement qu’il faut réunir à Péking à une date que je vais vous dire.

— Ce sera fait, répondirent les autres d’une seule voix.

— Bien. Maintenant voici quels sont les ordres de notre Grand-Maître et les faits qui les motivent : Nous fils de Han, nous voulons rendre la Chine aux Chinois et chasser les envahisseurs mandchous qui détiennent le pouvoir. Or, leur chef qu’ils qualifient orgueilleusement de « Fils du Ciel », sent son trône trembler sous la poussée d’un peuple marchant à la liberté. Apeuré, il tend les bras vers les étrangers d’Europe, espérant qu’ils le défendront contre nos entreprises. Il leur a déjà permis d’établir des comptoirs sur les côtes, maintenant il rêve de leur ouvrir l’intérieur du pays.

Un grognement interrompit celui qui parlait. Ses auditeurs avaient eu un même geste de menace et leurs faces jaunes, contractées par la colère, étaient effrayantes.