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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Un homme, continua le chef, un Allemand, le docteur Kayser, est venu vers l’empereur. Il lui a dit : « Avec un sac de soie que je remplirai de gaz, je m’élèverai et me dirigerai dans l’air. Accorde-moi la permission de tenter l’expérience au milieu de la capitale et de circuler loin au-dessus des terres soumises à ta domination. » L’empereur a consenti et le 22 octobre, ce Kayser s’enlèvera avec sa machine qu’il appelle « ballon dirigeable ».

Le Chinois prit un temps ; puis d’une voix insinuante, comme pour faire passer sa conviction dans l’esprit des assistants :


Frères !… écoutez.

— Telle est la version officielle. Mais ici comme toujours, on trompe le peuple. Dominant le pays, cet Allemand étudiera les routes, les rivières, les canaux, de telle sorte qu’au moment venu, les armées d’Europe connaîtront exactement tous nos moyens de communication et en profiteront pour nous écraser. Mais nous veillons ! Aux entreprises de nos ennemis nous opposerons la volonté de toute une nation. Nous avons le nombre et le dévouement, prouvons que nous avons aussi l’intelligence. À l’envahissement loyal, les Européens découragés par les massacres font succéder l’invasion dissimulée. Détruisons leur appareil et nous démontrerons ainsi que nous ne sommes point des gens que l’on berne.

— Oui, oui, nous obéirons.

Un frémissement secouait ces fanatiques, jaloux de leur liberté au point de considérer la civilisation comme un danger.

— Maintenant, frères, conclut l’orateur, regagnez vos cabines. Jap, Toung et Li vont sortir les premiers. Han et moi nous laisserons passer quelques instants, puis nous partirons à notre tour.

Les personnages désignés tendirent leurs mains au chefs, puis les portant sur leur poitrine et sur leur tête, ils quittèrent le compartiment des