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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/280

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LA CHINE À VOL D’OISEAU.

— À quoi voyez-vous cela ?

— À ce que nous respirons plus aisément. Nous sommes en état de parler.

Sir Murlyton approuva :

— Très juste !

Il avait pris sa fille dans ses bras et cherchait à la réchauffer. Ce fut elle qui but les dernières gouttes du cordial, sous l’envieux regard de Bouvreuil. Mais le danger de périr de froid évité, un autre se présentait. Vers quelle contrée la tempête avait-elle entraîné l’aérostat ? Quel accueil attendait les voyageurs à la surface du globe ? Points d’interrogation qui se dressaient menaçants.

En vain Lavarède cherchait à percer le voile d’ombre qui emprisonnait l’appareil. Aucun indice n’annonçait l’approche de la terre. Et cependant, d’une seconde à l’autre, un rocher, un arbre pouvaient se dresser sur la route suivie par le ballon, éventrer son enveloppe, et transformer la descente en une chute mortelle.

Enfin le soleil parut sur un horizon de hautes montagnes. L’Anglais adressa un regard questionneur à Armand. Celui-ci haussa les épaules.

Partout, de tous côtés, aussi loin que se portait la vue, c’était un chaos de granit. Les pics couronnés de glace succédaient aux pics, les rochers s’entassaient. Tout attestait que ce point de la sphère terrestre avait le théâtre d’une des plus effroyables convulsions de la vie de la planète.

Le ballon descendait lentement dans une vallée aux pentes couvertes de sapins, fermée par un lac dont la rive opposée était marquée par de hautes falaises. Des glaciers reflétaient la lumière du soleil et jetaient un manteau éblouissant sur la croupe des montagnes. Mais les rocs géants, le panorama sévère et grandiose s’effacèrent lorsque Aurett dit d’une voix concentrée :

— Des hommes !

Dans la vallée, plusieurs centaines d’indigènes, les nez en l’air, suivaient tous les mouvements du ballon. Vêtus de longues robes, sur lesquelles étaient jetées des casaques à larges manches, coiffés de bonnets fourrés, ces gens se montraient l’aérostat avec forces gestes. À chaque minutes, de nouveaux curieux venaient grossir la foule. Le ballon descendait toujours. Il n’était plus qu’à trois cents mètres du sol.

— Ce n’est pas possible !… murmura Lavarède qui considérait avec attention les singuliers personnages.

Les Anglais et le père de Pénélope lui-même l’interrogèrent :

— Qu’est-ce qui n’est pas possible ?