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LES HAUTS PLATEAUX DU THIBET.

rivage, au prix de quelques chutes inévitables sur une glace unie ne présentant aucune aspérité. La berge offrait une pente douce, couverte de neige durcie, qui facilitait l’ascension des voyageurs. Un sentier serpentait le long de la crête, étranglé entre celle-ci et une haute muraille de rochers.

Après quelques recherches, on découvrit qu’elle conduisait à l’entrée d’une caverne. Rachmed improvisa une torche avec des débris de planches, et à la lueur douteuse de ce luminaire, s’engagea dans la grotte.

Dès les premiers pas, les Européens s’arrêtèrent pétrifiés d’admiration. La haute voûte arrondie au-dessus de leurs têtes et les parois sur lesquelles elle s’appuyait semblaient tapissées de topazes. Des milliers de facettes reflétaient la lumière, piquant l’obscurité d’étincelles jaunes.

— Merveilleux, murmura Aurett en joignant les mains !…

— Qu’est-ce que cela ? interrompit Lavarède très étonné lui-même.

Ce fut encore le guide qui répondit avec son laconisme ordinaire :

— Sel gemme.

Il avait raison. C’était en effet une de ces cavernes que l’on rencontre, suivant une ligne sinueuse, partant de la frontière polonaise pour aboutir à la grande muraille de Chine.

Le sol recouvert d’un sable fin offrait une couche tentante pour des gens brisés de fatigue. Aussi, les yeux encore pleins de rayonnements, tous s’enroulèrent dans leurs fourrures et perdirent bientôt le sentiment de l’existence.

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Alors des ombres pénétrèrent sans bruit dans la caverne et s’approchèrent successivement des dormeurs. Arrivées auprès de miss Aurett, elles la soulevèrent avec mille précautions et l’emportèrent au dehors. Puis la jeune fille fut attachée sur un cheval qui, en compagnie de plusieurs autres, attendait ces mystérieux inconnus.

Un léger coup de sifflet se fit entendre, chaque bête eut aussitôt son cavalier et la petite troupe s’éloigna au galop.

Le journaliste et ses amis n’avaient rien entendu. Un cri perçant, lancé par Aurett brusquement réveillée par la course furieuse de sa monture, ne réussit pas à les tirer de leur engourdissement. Seul Murlyton se retourna sur le côté, bailla et reprit son somme.

Au matin, une vague clarté reculait le mur d’ombre qui voilait le fond de la caverne lorsque Lavarède ouvrit les yeux. Malgré ses pelleteries, malgré la protection de son abri de rochers, il se sentit engourdi.

Au nez, aux oreilles, il éprouvait des picotements, comme si des mil-