Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
360
LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Nous approchons de Batoum, déclara Schultze.

— Tant mieux.

— Et je veux vous faire une proposition, monsieur Rosenstein.

— Lavarède donc.

— Oui, c’est entendu, Rosenstein-Lavarède, là… Voulez-vous me permettre de vous donner le bras pour traverser la ville…

— Le bras ?


Tiflis.

— Au lieu des menottes.

— Mais avec joie, cher monsieur Schultze. Désirez-vous également ma parole que je ne tenterai pas de m’échapper ?

— Non, non…

— Je vous la donne. J’ai plaisir à me laisser conduire à Trieste par vous… Vrai, c’est très sincère, plus que vous ne pouvez le croire.

Le train entrait en gare de Batoum. Lestement, Muller enserra les poignets de Bouvreuil dans les menottes. L’usurier se plaignit. Puisque son « complice » avait les mains libres, pourquoi était-il traité autrement ! Herr Schultze haussa les épaules et doucement, avec un accent où l’on sentait une conviction inébranlable :

— Protester contre le sort, a dit Kant, est d’un fou. Vous protestez toujours, je vous ligote. Un mot encore et j’en serai réduit à vous bâillonner pour éviter les attroupements.

L’usurier se tut, mais si, suivant l’expression populaire, ses yeux avaient été des pistolets, la carrière du policier se fût terminée à l’instant même.

On laissa descendre les autres voyageurs, puis, bras dessus, bras dessous, agents et prévenus se rendirent à l’hôtel d’Europe. Là, ils apprirent