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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/96

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L’ODYSSÉE D’UN PRÉSIDENT.

— Lui-même !

— Celui d’avant le docteur Guzman ?

— Parbleu, il n’y en a pas deux…

— Est-ce qu’il voudrait revenir ?

— Cela, señor, je n’en sais rien… mais je cours le recevoir, car il était très aimé.

— Tiens ! alors pourquoi l’a-t-on renversé ?

— Parce qu’il a refusé de l’avancement à tous les colonels… Il trouvait qu’il y avait assez de généraux.

— Et combien donc y en a-t-il ?

— Trois cents.

— Et combien de soldats dans l’armée ?

— Cinq cents.

Lavarède partit d’un bon éclat de rire que l’air étonné de Concha rendit plus bruyant encore. Cependant, elle sortit pour aller se mettre aux ordres du général, laissant notre ami peu vêtu, mais muni d’un bagage complet de politicien costaricien. À présent, il connaissait sa république comme personne. Et il prêta d’autant plus d’attention à l’entretien qui se poursuivait dans le patio (la cour), entre le général et « sa garde ». Voici ce qu’il entendit ?

C’était l’ex-président Zelaya qui parlait :

— Hyeronimo, notre parti compte sur toi. Ce misérable Guzman, venu au nom de los serviles, n’a tenu aucune de ses promesses, et par surcroît, il veut ramener les Jésuites ! L’an dernier, le signal de la révolution est parti de la province de Nicoya… Qu’il parte cette fois du golfe Dulce, et que ce soit comme toujours, Hyeronimo le Brave qui le donne. Mais qu’as-tu donc ? tu parais hésitant…

— Excellence, répondait le muletier, je ne refuse pas absolument… mais j’ai besoin d’être mieux éclairé… y a-t-il du danger ?

— Aucun… Cambo, la résidence de José, ainsi que son château, comme dit pompeusement cet Européen, sont peuplés de nos amis. Notre parti est prêt ; tu sais bien que lorsque los libres font de l’agitation, c’est qu’ils sont assurés du succès.

— Mais moi, personnellement, qu’est-ce que je gagnerai à cette nouvelle révolution ?

— Tu demanderas ce que tu voudras, pour toi et ces deux hommes, tes serviteurs, sans doute ?

— Non, excellence, nous gardons à vue un Français que José veut éloigner pour aujourd’hui du château de la Cruz.