Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 28 décembre 1885.pdf/4

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mettez au président de l'Assemblée nationale de faire son devoir.

M. Audren de Kerdrel. Je croyais que vous aviez terminé, monsieur le président ; je vous demande pardon !

M. le président. « ...Vu le procès verbal de la séance de l'Assemblée nationale, du 30 janvier 1879., constatant que M. Jules Grévy a été élu Président de la République française pour sept années ;

M. Paul de Cassagnac. Hélas !

M. le président. « Vu le paragraphe 1er de l'article 3 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, ainsi conçu :

« Un mois avant le terme légal des pouvoirs du Président de la République, les Chambres devront être réunies en Assemblée nationale pour procéder à l'élection du nouveau Président. »

Vu le décret en date du 24 décembre 1885, portant que « le 28 décembre 1885, le Sénat et la Chambre des députés se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à l'élection du Président de la République... »

M. de Baudry d'Asson. Le corps électoral n'est pas complet. (Vives protestations à gauche.)

M. le président. ...Vu le paragraphe 2 de l'article 11 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 ainsi conçu : « Lorsque les deux Chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur bureau se compose des président, vice-présidents et secrétaires du Sénat », je déclare l'Assemblée nationale constituée.

M. Paul de Cassagnac. Moins quatre départements qui ne sont pas représentés ! (Applaudissements à droite. — Réclamations à gauche.)

M. Audren de Kerdrel. Je réitère ma demande de parole pour déposer une proposition, une motion sur l'ordre du jour, tendant à l'ajournement du Congrès jusqu'à ce que le collège électoral soit complet. (Bruit prolongé à gauche.)

M. Jolibois. Il y a des gendarmes qui empêchent de monter à la tribune !

A gauche. A l'ordre ! à l'ordre ! (Bruit.)

M. Paul de Cassagnac. Qui est-ce qui a la police de l'Assemblée ?

M. le baron Paul de Lamberterie. Vous n'avez pas la droit de défendre l'accès de la tribune !

M. la baron de Ravignan. C'est la violation du droit, monsieur le président ! Vous êtes l'arbitraire ! vous devriez être le droit !

A droite. C'est de la force matérielle !

M. Jolibois. C'est calculé ! c'est une infamie !

A gauche. Le scrutin ! le scrutin !

M. Paul de Cassagnac. C'est une assemblée de policiers ! (A l'ordre ! à l'ordre !)

Cris à droite. Monsieur de Kerdrel, montez à la tribune. (Bruit prolongé à gauche.)

M. le président. Je supplie l'Assemblée nationale de faire silence. Je ne suis pas ici le représentant d'un parti, mais le représentant de la loi et de la Constitution... (Applaudissements nombreux à gauche. — Bruit et interruptions à droite.)

Je conjure mes collègues de vouloir bien apporter ici du calme et de la dignité. (Vives interruptions à droite.)

A droite. Et de la liberté.

M. le président. La France a les yeux sur nous. (Nouveaux applaudissements à gauche. — Tumulte à droite.)

M. Paul de Cassagnac. Vous faites garder la tribune par des estafiers ! Vous n'en avez pas le droit !

A gauche. A l'ordre ! à l'ordre !

M. le président. Tous les droits seront sauvegardés, messieurs, mais à la condition que vous respecterez la dignité de cette Assemblée (Très bien ! très bien ! à gauche.)

A droite. Vous n'êtes qu'un bureau de vote ! — Nous protestons contre les opérations !

M. de Lamartinière. Aucune assemblée électorale quelle qu'elle soit, ne peut refuser de recevoir les protestations des membres de l'assemblée.

M. le président. M. Audren de Kerdrel a demandé la parole.

J'ai examiné avec toute l'attention qu'elle méritait la question de savoir s'il m'était possible d'accorder la parole (Très bien ! très bien ! — Écoutez.), lorsqu'aux termes de la Constitution vous n'êtes ici absolument qu'un corps électoral... (Applaudissements à gauche.)

A droite. Non ! non ! C'est faux !

M. le baron Paul de Lamberterie. Il y a bien un règlement, monsieur le président ?

M. Michelin. Je demande la parole.

M. le président. On m'objecte qu'il y a un règlement. Je suis obligé, à mon grand regret, car j'en aurais déjà usé...

M. le baron de Lareinty. Il y a une règle, au moins !

M. le président. ...de dire qu'il n'existe pas de règlement.

M le baron Paul de Lamberterie. Il faut en faire un !

M. le baron de Lareinty. S'il n'y en a pas, vous ne pouvez pas rappeler à l'ordre.

A gauche. Le scrutin !

M. Audren de Kerdrel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

A droite. Il n'y en a pas !

M. Audren de Kerdrel. S'il n'y a point de règlement, il faut admettre l'infaillibilité ou l'arbitraire de la présidence.

M. le président. Nous ne pouvons procéder, messieurs, qu'en vertu de principes généraux...

M. le comte de Lanjuinais. Il faut démolir la tribune, alors ! (Oui ! oui ! à droite.)

A gauche. Comme sous l'Empire !

A droite. Oui ! Démolissez la tribune !

M. Maurice Faure. C'est l'empire qui a supprimé la tribune nationale ! C'est grâce aux républicains qu'elle a été rétablie ! (Très bien ! très bien ! ç gauche.)

M. le président, à la droite. Messieurs, est-ce que vous avez le parti-pris d'empêcher l'Assemblée nationale de remplir son devoir et sa mission ?

M. le baron de Lareinty. Nous voulons la liberté pour tous ! Voilà ce que nous voulons !

M. Michelin. Nous avons le droit de parler ! Je demande la parole !

A droite. La tribune est gardée par des huissiers ! C'est honteux !

M. le baron Paul de Lamberterie. Monsieur le président, il n'y a pas de règlement, je demande en vertu de quel droit la tribune est gardée !

M. le baron de Lareinty. C'est l'arbitraire !

Un membre à droite. On n'a jamais vu en France la tribune gardée par les huissiers.

M. de Lamarzelle. Monsieur le président, s'il n'y a pas de règlement, je demande en vertu de quel droit la tribune est gardée.

Plusieurs membres à droite. C'est l'arbitraire, c'est la force alors !

M. le baron Paul de Lamberterie. Il faut absolument qu'il y ait un règlement et que les huissiers se retirent. (Bruit.)

A droite. Qu'est-ce que vous faites ici, monsieur le président ?

M. le président. Messieurs, je suis ici en vertu de la Constitution, j'entends la faire respecter...

A droite. Non ! non !

M. le baron Paul de Lamberterie. Vous violez la Constitution !

M. le baron de Lareinty. La Constitution est libérale, et vous êtes l'arbitraire !

M. le président. La violence n'aura pas raison du droit ! (Applaudissements à gauche. — Exclamations à droite.)

M. le baron Paul de Lamberterie. Vous abusez de la force, dans ce moment-ci !

M. Jolibois. C'est de l'arbitraire !

M. Michelin. L'Assemblée est souveraine !

A droite. De quel droit empêchez vous de parler ?

M. le président. J'ai le regret d'annoncer à l'Assemblée nationale que, si le désordre continue, je serai obligé de suspendre la séance. (Applaudissements ironiques et rires à droite.)

A gauche. Ouvrez le scrutin !

A droite. Il n'y a pas de règlement !

M. Michelin. Je demande la parole.

Voix nombreuses à gauche. Le scrutin !

M. Honnoré. Nous demandons à voter ; nous défendrons la Constitution aujourd'hui comme nous la défendrons toujours.

M. le président. Je prie mes collègues de droite de vouloir bien écouter avec calme ce que j'ai à dire. (Non ! non ! à droite.)

Plusieurs membres à droite. Il n'y a pas de règlement !

Voix nombreuses à gauche. Le scrutin ! le scrutin !

MM. de Baudry D'Asson, de Lamberterie, et plusieurs membres à droite, s'adressant aux huissiers. Huissiers, retirez-vous !

M. Hervé de Salsy. C'est au président que nous avons affaire.

M. le baron Paul de Lamberterie. Au nom de la liberté de la tribune, je vous demande encore une fois, monsieur le président, de faire retirer les huissiers.

(M. Buffet monte à la tribune et s'entretient avec vivacité avec M. le président.)

Voix nombreuses à droite. A la tribune ! à la tribune ! (Bruit prolongé.)

M. le président. Veuillez faire silence,