Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 28 décembre 1885.pdf/5

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messieurs ! (Non ! non ! — Rumeurs à droite.)

(Le bruit s'apaise.)

M. le président. J'ai dit à l'Assemblée nationale que mon devoir s'oppose à ce que je donne la parole à qui que ce soit. (Nouveau bruit.)

M. le comte de Lanjuinais. Que faites-vous ici ? S'il n'y a pas de règlement, vous n'avez pas le droit d'y être.

M. le président. On insiste cependant. Je ne prétends pas me poser comme un interprète infaillible de la loi.

Je ne puis que consulter l'Assemblée nationale ! (Vifs applaudissements à gauche. — Protestations et rumeurs à droite.)

M. Audren de Kerdrel. Si le président consulte l'Assemblée, il est permis de délibérer. Je demande encore une fois la parole. (Bruit prolongé.)

M. le président. Je vais consulter l'Assemblée. (Non ! non ! à droite.)

M. d'Aillières. Il faut que la question soit posée avant que vous puissiez consulter l'Assemblée. Vous ne nous permettez pas de le faire.

M. le président. Je fais appel au bon sens et au patriotisme de mes collègues, et je les prie d'observer le silence le plus absolu. Il y a un parti pris... (Vives protestations à droite. — Très bien ! — Applaudissements à gauche.)

M. le baron Paul de Lamberterie. C'est un abus de pouvoir ; vous n'avez pas le droit de consulter l'assemblée.

M. Paul de Cassagnac. IL n'y a pas de scrutin contre le droit !

M. Audren de Kerdrel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Oscar de Vallée. Vous êtes l'instrument de la tyrannie !

M. le baron de Ravignan. Vous êtes l'arbitraire !

M. le président. Monsieur de Ravignan, vous êtes un patriote. Est-ce que vous n'êtes pas douloureusement frappé du spectacle auquel vous assistez ? (Non ! non ! à droite. — Bruit prolongé.)

Je consulte l'Assemblée.

Voix nombreuses à droite. Vous n'en avez pas le droit. — Il n'y a pas de règlement ! (Bruit croissant.)

(M. Audren de Kerdrel monte au bureau et s'entretient quelques instants avec M. le président.)

M. Fresneau, s'adressant au président, prononce quelques paroles qui se perdent dans le bruit.

A droite. Parlez ! parlez ! monsieur de Kerdrel. — Montez à la tribune.

Elle est gardée par vos estafiers !

M. Paul de Cassagnac, s'adressant au président. La tribune n'est pas libre !

M. le président. Vous n'avez pas la police de l'Assemblée, monsieur.

Voix nombreuses à droite. Ni vous non plus ! (Bruit continu.)

M. Audren de Kerdrel. Je demande la parole.

(M. de Kerdrel se présente à la tribune ; les huissiers lui barrent le passage.)

M. Audren de Kerdrel. Je constate la violence faite à mon droit et à celui des collègues qui m'avaient choisi pour être leur organe. (Rumeurs à gauche. — Protestations et bruit à droite.)

M. de Baudry d'Asson. On barre le passage à M. de Kerdrel ; c'est une infamie ; c'est une infamie, c'est une honte ! (Agitation.)

(Un grand nombre de membres de la gauche agitent leurs bulletins de vote comme pour demander l'ouverture du scrutin.)

M. le président. Je consulte l'Assemblée nationale.

M. le comte de Juigné. Vous n'en avez pas le droit. Votre Congrès est nul parce qu'il y a cinq départements qui ne sont pas représentés. Vous n'avez pas le droit d'empêcher de lire une protestation à la tribune. Il y a cinq départements et 300,000 électeurs qui ne sont pas représentés. Votre Congrès est un Congrès décapité.

M. le président. Je consulte l'Assemblée nationale.

Que ceux qui sont d'avis d'accorder la parole à M. Audren de Kerdrel pour une motion d'ordre veuillent bien lever la main. (Rumeurs à droite.)

M. de Baudry d'Asson. C'est une insulte faite au pays ! (Très bien ! à droite. — Bruit prolongé.)

M. le président s'adressant à la gauche de l'Assemblée. Je vous en prie, messieurs, aidez-moi à obtenir le calme et à faire respecter la dignité de l'Assemblée. (Applaudissements à gauche et au centre. — Nouvelles interruptions à l'extrême gauche et à droite.)

J'ai posé tout à l'heure la question. (Non! non ! à droite.)

M. Paul de Cassagnac. Faites donc dégager la tribune !

M. de Baudry d'Asson. Nous constatons que la tribune est gardée. C'est une honte ! (Exclamations à gauche. — Applaudissements à droite.)

M. le président, montrant la droite. Je ne m'adresse pas à cette partie de l'Assemblée... (Violentes rumeurs à droite. — Très bien et applaudissements à gauche.)

M. Audren de Kerdrel a demandé la parole. Je dois consulter l'Assemblée nationale. (Non ! non ! à droite.) J'ai reçu une demande de scrutin public. Je dois consulter l'Assemblée nationale pour savoir si elle entend ordonner le scrutin...

(Le bruit redouble. — M. Papinaud, descendu dans l'hémicycle, interpelle vivement ses collègues de la droite. — A la suite de cet incident, plusieurs membres échangent au pied de la tribune, des paroles qui ne parviennent pas jusqu'au bureau.)

M. le président. Je constate que quelques-uns membres de ce côté de l'Assemblée (la droite) veulent empêcher le président de faire son devoir.

M. Albert Duchesne, à M. le président. Taisez-vous ! Vous n'avez pas le droit de parler, si nous n'avons pas ce droit nous-mêmes !

Sur un grand nombre de bancs à gauche et au centre. Aux voix !

M. Le Provost de Launay. Faites avancer vos troupes ! (On rit.)

M. le baron Paul de Lamberterie. Monsieur le président, s'il n'y a pas de règlement, vous n'avez pas le droit de présider. Montrez-nous le règlement.

M. le président. Faites-donc silence, messieurs, je vous en conjure !

Je prie mes collègues de vouloir bien regagner leurs places, et de ne pas rester dans l'hémicycle.

M. Paul de Cassagnac et un grand nombre de membres à droite. Non ! non  !

M. Albert Duchesne. Vous ne parlerez pas avant nous !

M. le prince de Léon. Renvoyez d'abord à leur place les huissiers qui occupent les abords de la tribune, et nous verrons !

M. le président. Je vais poser à l'Assemblée nationale la question de savoir si elle veut accorder la parole à M. Audren de Kerdrel. Si cette question est résolue négativement, je proposerai au Congrès de procéder au scrutin pour la nomination du Président de la République.

M. le baron de Lareinty et plusieurs membres à droite. Avant tout, M. de Kerdrel doit avoir la parole !

M. de Baudry d'Asson. Monsieur le président donnez la parole à M. de Kerdrel, comme c'est son droit, ou vous ne parlerez pas.

M. le président. Je vais faire une nouvelle tentative pour consulter l'Assemblée. (Interruptions et bruit prolongé à droite.) Puisque le bruit m'empêche de me faire entendre, puisque vous ne me permettez pas de consulter l'Assemblée sur la question que vous-même avez posée, et que plusieurs tentatives de ma part pour le faire ont été impuissantes, mon devoir est d'inviter l'Assemblée à procéder sans délai à l'accomplissement de son mandat unique, qui est l'élection du Président de la République.

Il va être procédé au scrutin public à la tribune, avec appel nominal, pour l'élection du Président de la République. (Vifs applaudissements à gauche ! Le scrutin ! Le scrutin !)

A droite. Nous ne voterons pas.

M. le président. Mais, auparavant, il y a lieu de procéder à la désignation, par la voie du sort, de scrutateurs et de scrutateurs suppléants. (Nouveaux applaudissements à gauche et au centre. — Protestations à droite.)

Avant de procéder au tirage au sort, je dois informer l'Assemblée nationale que MM. l'amiral du Gueydon, Luro, Gilbert-Boucher, Camparan et Péronne s'excusent de ne pouvoir assister à la séance.

M. le baron de Mackau s'excuse, pour raison de famille, de ne pouvoir assister à la séance.

(Le tirage au sort a lieu.)

(Sont désignés : MM. le baron Paul de Lamberterie, Tenaille-Saliguy, Teisserenc de Bort, Dreyfus (Camille), Salneuve, Viellard-Migeon, Chanson, Guillemaut (Saône-et-Loire), Viette, Lades-Gout, Péraldi, Villar (Edouard), Delbreil, Rumillet-Charretier, Gilly (Numa), Carret (Jules) (Savoie), Dietz-Monnin, de Ladmirault (général), d'Audiffret-Pasquier (duc de), Garrigat, Soucaze, Michel, Milochau, Robert de Massy, Lefebvre du Prey, Prou, Schoelcher, Constans, Fayard, Michelin, Fresneau, Delaborde-Roguez, Lacretelle (Henri de), Labaysses, Lasserre, Laur.)

M. Michelin, s'adressant au bureau. Vous commettez une usurpation.

Voix nombreuses à gauche, à M. Michelin. Passez à droite !

M. Michelin. Je me retire de l'Assemblée.

(Sont désignés comme scrutateurs suppléants : MM. Bozérian, de Champvallier, Deblis, Destendau, Huguet, Magnin, Marquiset, Michau, Roche (Jules) (Savoie), Rochefort (Henri), Viellard (Armand), Versigny.)

M. le président. Il va être tiré au sort