Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 28 décembre 1885.pdf/6

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pour désigner la lettre par laquelle commencera l'appel nominatif.

(Le sort désigne la lettre L.)

M. le président. Le scrutin est ouvert. (Vifs applaudissements à gauche.)

M. de Largentière. Vive la liberté !

M. Baudry d'Asson. C'est comme cela que vous entendez la liberté, monsieur le président ? (Applaudissements à droite.)

(MM. les huissiers déposent les urnes sur la tribune.)

M. Laroche-Joubert. Voilà ceux qui peuvent monter à la tribune : ce sont les huissiers. Les représentants de la nation ne le peuvent pas !

(A deux heures moins vingt-cinq minutes, il est procédé au scrutin à la tribune par appel nominal.)


PRÉSIDENCE DE M. HUMBERT
VICE-PRÉSIDENT


M. Humbert remplace M. Le Royer au fauteuil de la présidence.

M. le président. Je préviens MM. les membres de l'Assemblée nationale qu'il va être procédé dans dix minutes au réappel en commençant par la lettre L.

M. Paul de Cassagnac. Nous ne voulons pas voter... (Très bien ! très bien ! à droite) ...ce n'est plus un Congrès, c'est une caverne ! (Nouvelle approbation et rires ironiques à droite.)

(A trois heures et demie, il est procédé au réappel, en commençant par la lettre L. — Cette opération se termine à trois heures quarante-cinq minutes.)

M. le président. Personne ne réclame plus le scrutin ?...

Le scrutin est clos.

Il va être procédé au dépouillement du scrutin. La séance sera suspendue jusqu'à la fin de cette opération.

(MM. les scrutateurs se retirent dans une salle voisine pour procéder au dépouillement des votes.)




REPRISE DE LA SÉANCE




PRÉSIDENCE DE M. LE ROYER


M. Le Royer remonte au fauteuil de la présidence à cinq heures moins vingt minutes.

M. le président. La séance est reprise. Voici le résultat du dépouillement du scrutin pour l'élection du Président de la République. (Mouvement général d'attention.)


Nombre de votants 
589

Un membre à droite. Quel est le nombre des électeurs inscrits ? (A gauche ! à l'ordre ! à l'ordre !)

M. Paul de Cassagnac. Oui ! nous demandons le nombre des électeurs inscrits.

M. le président. Vous n'avez pas la parole. (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre.)

M. Paul de Cassagnac. Je la prends. (Bruit à gauche.)

M. le président.

Nombre de votants 
589
Bulletins blancs ou nuls 
13
Suffrages exprimés 
576
Majorité absolue 
289

Ont obtenu :

M. Jules Grévy, 457 suffrages... (Applaudissements répétés à gauche et au centre. — Vive la République !)

M. Cunéo d'Ornano. C'est 400 voix sur 10 millions d'électeurs inscrits !

Un autre membre à droite. C'est 14 voix de plus que la majorité absolue !

M. Paul de Cassagnac. C'est une majorité de 30 voix seulement. Voilà la vérité ; ce n'est pas brillant ! (Bruit et interruptions à gauche. — A ce moment, plusieurs membres de la droite se dirigent vers la tribune.)

Voix nombreuses à gauche. N'interrompez pas ! Laissez parler le président !

M. le président. Je prie MM. les membres de l'Assemblée nationale qui sont dans l'hémicycle de reprendre leurs places.

Je reprends :

Ont obtenu :
MM. Jules Grévy 
442 voix.
Aristide Briand 
401
Jean Hennessy 
15
Marcel Cachin 
10
Voix diverses 
29

Plusieurs membres à droite. Quelles voix diverses ? les noms ! les noms !

M. le président. M. Jules Grévy ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, je le proclame Président de la République française pour sept ans, à partir du 31 janvier 1886.

(Les membres siégeant à gauche et au centre se lèvent en applaudissant et en faisant entendre le cri répété de : Vive la République !)

M. le président. La session de l'Assemblée nationale est close.

La parole est à M. Édouard, secrétaire, pour donner lecture du procès-verbal de la présence séance.

(M. Edouard Millaud, l'un des secrétaires, commence à donner lecture du procès-verbal au milieu du bruit et des conversations.)

M. le duc de la Rochefoucauld Bisaccia. Nous voulons entendre la lecture du procès-verbal.

M. le président. Eh bien, faites silence et vous entendrez.

M. Le Provost de Launay. Il ne faut pas escamoter encore cela !

(Un grand nombre de membres de la droite descendent dans l'hémicycle et s'approchent du bureau.)

M. le président. Messieurs, veuillez reprendre vos places.

M. Édouard Millaud, secrétaire, continue la lecture du procès-verbal.

Plusieurs membres à droite. Plus haut ! On n'entend rien !

M. le président. Faites silence, encore une fois, et vous entendrez ! C'est un singulier système que de vouloir à la fois entendre et faire du bruit. (Rumeurs à droite.)

Un membre, dans l'hémicycle. On n'entend rien, d'ici même ; j'entendrais encore moins de ma place.

M. Le Provost de Launay. M. le secrétaire lit tout bas ; il le fait exprès ; nous le constatons. C'est une comédie concertée !

M. le président. C'est une injure gratuite (Exclamations à droite) ; je prie M. le secrétaire de ne pas répondre à ces interpellations. (Nouvelle rumeurs à droite.)

M. d'Aillières. Nous constatons que le secrétaire fait exprès de ne pas parler haut ! (Oui ! oui ! — Bruit.)

A gauche. Faites silence ! C'est vous empêchez d'entendre.

M. Buffet. Je suis tout près de la tribune, et je n'entends pas un mot.

(M. le secrétaire termine la lecture du procès-verbal.)

M. Audren de Kerdrel. Monsieur le président, je demande la parole sur le procès-verbal. (Bruit à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Audren de Kerdrel, pour une rectification au procès-verbal. (Non ! non ! à gauche.)

M. le baron de Lareinty, s'adressant à la gauche. Comment ! vous n'avez rien entendu, et vous ne voulez pas qu'on prenne la parole ?

Un membre à droite. Nous n'avons pas entendu le procès-verbal, nous protestons tous !

M. Audren de Kerdrel se présente à la tribune. (Bruit et protestations à gauche. — Parlez ! parlez ! à droite.)

M. le président, s'adressant à la gauche. Veuillez faire silence, messieurs, M. de Kerdrel n'a demandé et obtenu la parole que pour une rectification au procès-verbal ; s'il s'écarte de ces limites je saurai l'arrêter. (Applaudissements à gauche. — Rumeurs à droite.)

M. Audren de Kerdrel. Messieurs, la rectification que j'ai l'honneur de demander à l'Assemblée nationale consiste à combler une lacune que je ne m'attendais pas à trouver aussi étendue et aussi importante. (Exclamations ironiques à gauche.)

M. le président (s'adressant à la gauche de l'Assemblée). Laissez-moi faire une observation, messieurs.

Votre attitude a été calme et digne ; persévérez-y jusqu'au bout. (Applaudissements répétés à gauche et au centre.)

M. Albert Duchesne. Vous n'êtes vraiment pas difficile, monsieur le président.

M. Audren de Kerdrel. Si le procès-verbal ne pêchait que par une légère omission, par une omission restreinte de ce qui s'est passé et de ce qui s'est dit au commencement de la séance, je le comprendrais et je passerais condamnation, car il est de jurisprudence parlementaire qu'on ne fait pas figurer au procès-verbal les paroles qui n'ont pas été entendues par le bureau. Mais ce n'est pas une partie des paroles qui ont été prononcées, ce n'est pas une partie des incidents qui se sont élevés qui ne figurent pas au procès-verbal, c'est la totalité des incidents, c'est la totalité des paroles qui a été omise. (Très bien ! très bien ! à droite. — Réclamations à gauche.) C'est le silence complet sur toute cette partie de la séance... (Applaudissements à droite.)

A gauche. On n'a rien entendu.

Un membre à gauche. Cela vaut mieux, par respect pour le pays.

M. Audren de Kerdrel. Or, ce silence n'est pas justifié... (Si ! si ! à gauche)... par la règle à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, car je puis dire au moins que certaines de mes paroles ont été si bien entendues de l'honorable président qu'il y a répondu et qu'il n'a pas fait droit aux réclamations que