avait ménagé deux coups d’une cruauté singulière. Ç’avait été une crise sentimentale, grave aux approches de la cinquantaine. Et cette aventure malheureuse avait été suivie d’un grand déboire : l’échec de son Tannhœnser à Paris. Plus d’un demi-siècle déjà pesait sur ses épaules, et, loin qu’il eût conquis la gloire, le succès ne se prononçait pas. Rienzi, Lohengrin, Tannhœuser, avaient été représentés sur la plupart des scènes d’Allemagne, mais sans rien rapporter à leur auteur de ce qu’il avait espéré. Il n’était regardé ni comme chef d’école, ni comme rénovateur de son art. Le public lui avait même fait un accueil si peu encourageant que les directeurs hésitaient à monter les œuvres nouvelles qu’il leur apportait au commencement de 1864, le « drame musical » se trouve, on peut le dire sans exagérer, en péril de mort.
L’appui d’un prince : Wagner n’imagine pas d’autre ressource, et il n’a même plus d’autre espérance. À défaut d’une protection royale, il entrevoit, pour la fin de sa vie, de noires années de misère où il devra, pour vivre, comme naguère à Paris, prendre le parti d’adapter de l’Offenbach ou de l’Auber. Ce qu’il ne veut pas, c’est exposer son œuvre maîtresse, celle qu’il termine et qui sera l’expression de son système, à paraître devant le public dans des conditions indignes d’elle et qui en trahissent l’esprit. Et il cherche, parmi les trente-huit princes et principicules souverains de l’Allemagne d’alors, celui qui pourrait avoir les idées assez larges et le goût assez sûr pour ne plus voir en Wagner l’exilé politique, mais le compositeur de génie.
Le roi de Prusse sera-t-il ce grand homme ? Liszt promet de le « sonder ». Le fidèle ami tentera encore quelque chose auprès du duc de Cobourg, mais « Berlin et Gotha exceptés, et peut-être aussi Weimar, il n’y a rien à espérer ». Or, le