Aller au contenu

Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

art, je vous en prie, au nom de ceux à qui vous donnez des jouissances que Dieu seul pourrait dispenser.

« Vous et Dieu.

« Jusque dans la Mort, jusque dans le Royaume des Ténèbres, je reste

« Votre cher
« Louis. »

« Vous et Dieu ! » Le philtre musical de Tristan suffisait-il pour porter Louis II à ces excès d’idolâtrie ? Mais la correspondance se poursuit toujours plus active et plus fougueuse. Voici une lettre que nous abrégeons et qui n’est qu’un crescendo d’amitié et de délire aussi.

« Unique et bien cher ami,

« … Vous m’exprimez votre chagrin de ce que chacune de nos dernières rencontres ne m’a causé, à ce que vous croyez, que douleur et souci. Dois-je rappeler à mon ami les paroles de Brûnhilde : « Ce n’est pas seulement dans la joie et le plaisir, mais aussi dans la souffrance que l’amour rend heureux ? Le Seigneur vous donnera force et courage pour supporter cette rude épreuve. Il couronna le martyr.

« … Je dois m’apercevoir de plus en plus que nos intentions, nos efforts ne sont compris que d’un petit monde d’élus. Les nouveaux projets du ministre des Cultes me le prouvent de nouveau. C’est la plus monstrueuse sottise qu’ait jamais élaborée un cerveau humain. Non, cela ne peut aller de la sorte il faut prendre une autre route, si nous voulons arriver au salut. Il faut séparer complètement le Conservatoire du Ministère et mettre les frais à la charge de la liste civile. C’est une œuvre qui doit réussir, entrer en pratique. Cher ! tout sera accompli. Chacun de nos désirs sera exaucé. Le feu de l’enthousiasme, qui brûle en mon cœur, plus violent de jour en jour, ne se sera pas vainement enflammé. — Le fruit doit mûrir et venir à point. — Salut à toi ! Salut à l’Art ! Dieu fasse que le séjour dans les montagnes, la vie dans la libre nature, parmi nos antiques forêts allemandes, apportent la santé à l’Unique, le tiennent joyeux et serein, le rendent ardent à créer. Et, quand nous aurons disparu tous deux depuis longtemps déjà, notre œuvre sera encore là pour servir