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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/49

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de brillant modèle à la postérité et pour exalter les siècles et les cœurs brûleront d’enthousiasme pour l’Art, l’Art enfant de Dieu, éternellement vivant !

« Quand mon ami songera-t-il à partir pour l’air vivifiant de la forêt ? Si cet endroit ne lui convenait pas, je prie le bien cher de se choisir un autre de mes pavillons dans la montagne. Ce qui est à moi est à lui.

« L’impatience, le désir, ne me laissent pas de repos : quand je songe à Lohengrin, à mon Tristan, quand je pense que l’esprit qui a rendu possibles ces délices ne peut être dépassé que par lui-même que, dans des milliers d’années, après d’innombrables générations, il ne se trouvera personne encore pour ravir le monde à son égal, quand je pense à ce miracle, alors je ne puis me taire, alors je ne puis retenir l’impulsion de mon cœur ! il faut que je pleure, que je t’adjure ! Ne te laisse pas décourager ! Ta force créatrice, ne la perds jamais ! Songe à la postérité. Pour ce qui dépend de moi, je ferai tout loyalement.

« … En ce moment, me voici de nouveau dans la solitude des montagnes, baigné dans l’air frais des Alpes, joyeux d’être dans la libre nature et de penser à l’étoile qui brille dans ma vie, de penser à l’Unique. Oh ! si je pouvais le savoir heureux, l’âme en joie, si je pouvais contribuer à son repos, à sa félicité ! Salut à Lui ! Bénis-le, Seigneur Dieu, donne-lui la paix dont il a besoin, arrache-le aux yeux profanes du monde vide et vain, et par Lui guéris les hommes de l’aveuglement où ils sont tombés !

« A toi, je suis tout dévoué Vivre pour Toi, pour Toi seul !

« Jusque dans la mort, tout à vous.

« Votre fidèle
« Louis. »

« Je veux braver la stupide humanité ! » écrit-il une autre fois. Il n’y a sans doute pas beaucoup de correspondances de roi où une formule si excessive et si imprudente se trouve exprimée. Mais on n’a pas reçu impunément une bonne éducation de prince. Louis II laissa ses menaces sur le papier, et, peu de temps après cette déclaration de guerre à la foule profane, il revenait au sérieux de son métier de roi. C’était au moment même où Wagner, après l’alerte du printemps, recommençait à envisager l’avenir avec le plus de confiance.