« Le sentiment du rêve ne m’abandonne pas, écrivait-il le 26 septembre 1865. Je m’étonne toujours davantage qu’il soit possible de vivre des choses pareilles. » Quelques jours plus tard, la chute n’en fut, pour Wagner, que plus rude. Mais, du moins, dans cette rupture, n’y eut-il, de la part de Louis II, ni lâcheté ni trahison.
Il ne fallut pas moins qu’un commencement d’émeute dans la rue et la menace d’une révolution pour amener le roi à céder. Au mois d’octobre, chaque année, c’est grande fête à Munich pour la fin des travaux des champs. Les paysans des campagnes voisines viennent à la ville pour leurs affaires. Et ce sont de vastes ripailles, des engloutissements de bière. Chacun des trois dimanches que dure cette sorte de foire géante, un bœuf entier est rôti sur la prairie où Louis Ier a élevé des Propylées avec une galerie de statues dédiées aux grands hommes de toute l’Allemagne, que garde une colossale Bavaria. Il est de tradition que le roi et la cour viennent inaugurer ces divertissements, cette pantagruélique célébration de l’automne. Le roi s’abstint cette année-là. Son absence fut-elle la cause ou le prétexte de l’irritation populaire ? Il est en tout cas certain que, de la bourgeoisie, l’inquiétude s’était étendue à toute la population au sujet de l’affaire Wagner. Et, depuis quelque temps, on remarquait à Munich une agitation anormale. Étaient-ce, comme on l’a cru à bon droit, des agents provocateurs prussiens qui entretenaient le désordre et qui répandaient sur le roi des nouvelles alarmantes et calomnieuses ? Le fait est que, jusqu’à la guerre de 1866, il ne se passera guère de mois sans que Munich, à l’occasion de fêtes publiques ou d’une simple dispute de brasserie, soit le théâtre de tumultes et de conflits avec la police. L’échauffourée de la fête d’octobre commença par l’arrestation d’un voleur pour lequel la foule prit parti contre