Tout fut profit pour Wagner dans cette sorte d’aventure passionnelle. Personne ne met en doute le service que l’intervention de Louis II lui rendit. Plus que les autres, les novateurs, les révolutionnaires en art comme en politique, ont besoin, pour s’imposer à leurs contemporains, de s’appuyer sur une force constituée et respectée. L’enthousiasme du roi de Bavière pour le Drame musical fut un coup de fortune pareil et d’une égale importance dans la destinée du wagnérisme. Wagner le reconnaissait lorsqu’il appelait Louis II, avec quelque emphase et dans son jargon ordinaire, son « co-créateur ». Un mot, sans doute, mais où il y a du vrai. C’est un collaborateur, tout au moins, que celui qui « lance » le livre, l’idée, le talent d’un autre. Ce rôle-là, Louis II l’a rempli pour Wagner.
En prose, en vers, c’est une justice à lui rendre, Wagner n’a pas marchandé la gratitude à son bienfaiteur. Il la lui a exprimée dans plusieurs poèmes, notamment celui qui accompagne la célèbre dédicace de la Valkyrie à « l’ami royal ».
La sincérité de l’adolescence et le cœur réellement chaleureux qui animaient alors Louis II étaient faits, d’ailleurs, pour rendre agréables à Wagner les rapports avec son protecteur. Louis II, en continuant les traditions des petites cours allemandes du XVIIIe siècle, refuge des arts et des lettres au milieu d’un peuple inculte, y mettait un charme que nos philosophes n’avaient jamais rencontré auprès du grand Frédéric. Voltaire ou La Mettrie avaient fait partie de la domesticité royale. Wagner fut traité d’une autre sorte. Il le comprit, et cette gratitude aussi lui fait honneur. En somme, l’aventure de Munich, où il ne perdit pas même un atome de l’indépendance de sa pensée, ne comporta que des avantages pour Wagner. En peut-on dire autant de Louis II ?
Il est bien certain qu’une très grande part d’enfantillage