Tel qu’il est aujourd’hui, quand, au sortir d’un défilé des Alpes tyroliennes, il frappe soudain la vue, le château de Neuschwanstein est une surprenante apparition. Avec sa profusion de mâchicoulis, d’échauguettes, de créneaux, de tourelles vertigineuses et de toits en éteignoir, Neuschwanstein a l’apparence de ces castels fantastiques et mystérieux que jetait, au sommet de montagnes sourcilleuses, le crayon de Gustave Doré.
La première impression du voyageur qui pénètre dans Neuschwanstein est celle d’un étonnement sans bornes. Quel est l’original qui a pu vouloir, pour y vivre seul, ces immenses galeries, ces salles démesurées ? Des fresques monotones y règnent, du genre le plus faux, où le tour de main académique est mis au service des poncifs romantiques. Mais l’ensemble révèle une obsession, une manie, et nullement un souci d’art : Wagner, encore et toujours Wagner, les motifs wagneriens, les grandes scènes wagnériennes, se répètent sans trêve. Dans une « Salle des chanteurs » imitée de la Wartbourg, c’est toute une vie de Parsifal exécutée par Spiess, un médiocre élève de Maurice de Schwind, qui déroule ses épisodes au milieu d’une débauche ornementale de monstres fabuleux, où la faune et la flore se mêlent, dragons finissant en végétaux gigantesques, oiseaux dont le col se fleurit d’un calice. Bien habile qui pénétrerait cette symbolique conforme aux propres indications du roi.
Peu importait à Louis II que ses artistes ordinaires fussent médiocres, leur peinture pauvre et sans idée. Il lui suffisait que la légende fût exactement et fidèlement rendue et que les costumes fussent strictement de l’époque. Il veillait, par exemple, à ce que l’on peignit Lohengrin dormant dans son canot, car il est dit par les anciennes épopées que le héros pouvait, durant sa traversée, se livrer sans crainte au som-