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» Il reste, pour mettre ici toutes espèces de visions, de traiter des visions artificielles, lesquelles, ordonnées et bâties par certains secrets et mystères des hommes, engendrent la terreur en ceux qui les contemplent. Il s’en est trouvé qui ont mis des chandelles dans des têtes de morts pour épouvanter le peuple, et d’autres qui ont attaché des chandelles de cire allumées sur des coques de tortues et limaces, puis les mettaient dans les cimetières la nuit, afin que le vulgaire, voyant ces animaux se mouvoir de loin avec leurs flammes, fut induit à croire que c’étaient les esprits dès morts. Il y a encore certaines visions diaboliques qui se sont faites de nos jours avec des chandelles composées de suif humain ; et pendant qu’elles étaient allumées de nuit, les pauvres gens demeuraient si bien charmés, qu’on dérobait leur bien devant eux sans qu’ils sussent se mouvoir de leurs lits ; ce qui a été pratiqué en Italie de notre temps, Mais Dieu, qui ne laissé rien impuni, a permis que ces voleurs fussent appréhendés ; et, convaincus, ils ont depuis terminé leurs vies misérablement au gibet. » Voy. Main de gloire.

Nous reproduirons maintenant quelques pièces curieuses et rares :

Discours épouvantable d’une étrange apparition de démons en la maison d’un gentilhomme de Silésie, en 1609, tiré de l’imprimé à Paris, 1609.

« Un gentilhomme de Silésie, ayant convié quelques amis, et, à l’heure du festin venue, se voyant frustré par l’excuse des conviés, entre en grande colère, et commence à dire que, puisque nul homme ne daignait être chez lui, tous les diables y vinssent ! Cela dit, il sort de sa maison et entre à l’église, ou le curé prêchait, lequel il écoute attentivement. Comme il était là, voici entrer dans la cour du logis des hommes à cheval, de haute stature et tout noirs, qui commandèrent aux valets du gentilhomme d’aller dire à leur maître que les conviés étaient venus. Un des valets court à l’église avertir son maître, qui, bien étonné, demande avis au curé, celui, finissant son sermon, conseille qu’on fasse sortir toute la famille hors du logis. Aussitôt dit, aussitôt fait ; mais de hâte que les gens eurent de déloger, ils laissèrent dans la maison un petit enfant dormant au berceau. Ces hôtes, ou, pour mieux dire, ces diables (c’est le sentiment du narrateur) commencèrent bientôt à remuer les tables, à hurler, à regarder par les fenêtres, en forme d’ours, de loups, de chais, d’hommes terribles, tenant à la main ou dans leurs pattes des verres pleins de vin, des poissons, de la chair bouillie et rôtie. Comme les voisins, le gentilhomme, le curé et autres contemplaient avec frayeur un tel spectacle, le pauvre père se mit à crier : « Hélas ! ou est mon pauvre enfant ? »

» Il avait encore le dernier mot à la bouche, quand un de ces hommes noirs apporta l’enfant aux fenêtres et le montra à tous ceux qui étaient dans la rue. Le gentilhomme demanda à un de ses serviteurs auquel il se fiait le mieux : a Mon ami, que ferai-je ? — Monsieur, répond le serviteur, je recommanderai ma vie à Dieu ; après quoi j’entrerai dans la maison, d’où, moyennant son secours, je vous rapporterai reniant. — À la bonne heure ! dit le maître ; Dieu t’accompagne, l’assiste et te fortifié ! »

» Le serviteur, ayant reçu la bénédiction de son maître, du curé et des autres gens de bien, entra au logis, et, approchant du poêle où étaient ces hôtes ténébreux, se prosterne à genoux, se recommande à Dieu et ouvre la porte. Voilà les diables en horribles formes, les uns assis, les autres debout, aucuns se promenant, autres rampant sur le plancher, qui tous accoururent contre lui, criant ensemble : « Hui ! hui ! que viens-tu faire céans ? » Le serviteur, suant de détresse et néanmoins fortifié de Dieu, s’adresse au malin qui tenait l’enfant et lui dit : « Ça, baillez-moi cet enfant. — Non, répond l’autre, il est mien ; va dire à ton maître qu’il vienne le recevoir. »

» Le serviteur insiste et dit : « Je fais la charge que Dieu m’a commandée, et sais que-tout ce que je fais selon icelle lui est agréable ; partant, à l’égard de mon office, en vertu de Jésus-Christ, je t’arrache et saisis cet enfant, lequel je rapporte à soir père. » Ce disant, il empoigne l’enfant, puis le serre entre ses bras. Les hôtes noirs ne répondent que par des cris effroyables et par ces mots : « Hui ! hui ! méchant ; hui ! garnement ! laisse, laisse cet enfant ; autrement nous te dépiécerons. » Mais lui, méprisant ces menaces, sortit sain et sauf et rendit l’enfant au gentilhomme son père ; et quelques jours après tous ces hommes s’évanouirent, et le gentilhomme, devenu sage et bon chrétien, retourna en sa maison. »

Le grand feu, tonnerre et foudre du ciel, advenu sur l’église cathédrale de Quimper-Corentin, avec la vision publique d’un très-épouvantable démon dans le feu, sur ladite église. Jouxte l’imprimé à Rennes, 1620.

« Samedi, premier jour de février 1620, il arriva un grand malheur et désastre en la ville de Quimper-Corentin. Une belle et haute pyramide couverte de plomb, étant sur la nef de la grande église, fut brûlée par la foudre et feu du ciel depuis le haut jusqu’à ladite nef, sans que l’on pût y apporter aucun remède. Le même jour, sur les sept heures et demie, tendant à huit du matin, se fit un coup de tonnerre et d’éclair terrible. À l’instant fut visiblement vu un démon horrible, au milieu d’une grande ondée de grêle, se saisir de ladite pyramide par le haut et au-dessous de la croix, étant ce démon de couleur verte, avec une longue queue. Aucun feu ni fumée n’apparut sur la pyramide que vers une heure