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EDMOND JALOUX

l’exaltent trop… Mais il vaut mieux qu’il ignore la mienne…


Pendant ce temps, René Delville, debout sur la plateforme d’un tramway, regardait défiler les arbres et les becs de gaz, d’un jaune clair, avec leur flamme frileuse et triste, qui tremblait au vent. À l’occident, sur un ciel d’or vert et presque citron, des groupes noirs de pins en relief et des treillages fins d’arbres nus s’étageaient à la cime des coteaux. Le brouillard les isolait dans une vapeur bleue comme la fumée d’une cigarette. Et lointains et presque irréels, ils surplombaient un abîme de persistante lumière, au delà duquel on aurait cru qu’il n’y avait plus rien, — que l’infini.

Il songeait alors, avec ce désir d’intimité dont nous pénètrent les soirs défaillants d’automne, à son bonheur, lorsque, plus tard, par des heures pareilles, il reviendrait chez lui, avec Edmée. Comme il se serrerait contre elle ! Et son cœur se fondait à cette image.

Dans cette agréable méditation, il n’éprouvait aucune inquiétude. Nul des ennuis d’Edmée n’arrivait jusqu’à lui. Son optimisme naturel, accru par une vie facile et l’horreur de tout souci, le défendait contre les tracas habituels de l’existence. D’ailleurs {{M.|Diamanty} ne serait-il pas enchanté des projets de Delville ? Ne se féliciterait-il pas de trouver un pareil gendre, orphelin, de bonne famille et assez riche pour que toute mère le souhaitât à sa fille ? Allons ! René n’avait qu’à lever le bras pour cueillir le bonheur. Il pendait là, tout proche de lui, comme un