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L’ÉCOLE DES MARIAGES

beau fruit mûr et savoureux, qui se penche vers la main qui le désire…

Et jusqu’à l’heure du dîner, dans la ville noire et jaune, bruyante et remuante du soir, René, inattentif aux brutalités des lumières, aux estuaires veloutés de l’ombre, au coudoiement de la foule, erra de trottoir en trottoir, sans cesser de porter religieusement en son âme ce rêve enfantin et viril d’un amour immense et doux, qui n’aurait jamais de déclin.


II


En rentrant chez lui, le surlendemain, René Delville trouva son valet de chambre assis dans un fauteuil de paille, au milieu du corridor, et surveillant de très haut une frotteuse, accroupie sur le sol et nettoyant le plancher. Trop paresseux pour travailler, Jean se payait ainsi des mercenaires qui accomplissaient sa besogne. Il exerçait une sorte d’empire despotique sur son patron chez qui il demeurait depuis vingt ans. René n’osait ni renvoyer Jean, ni le gronder, et subissait les plus étranges fantaisies de son domestique.

René, habitué aux faits et gestes de M. Glatte, ne s’étonna pas de le voir diriger le labeur de sa frotteuse, avec une rigueur excessive, tout en lisant un journal de sport, car ce valet de chambre modèle jouait aux courses.

— Il y a une lettre pour monsieur, déclara M. Glatte.