conjure, que cela reste tout à fait entre nous… Promettez-moi de n’en jamais parler à personne, et à Edmée moins qu’à toute autre, bien entendu… Car vous la reverrez, hélas ! puisque je ne peux pas vous interdire d’aller chez les gens qui la reçoivent aussi… J’ai perdu ma femme, monsieur, après un an de mariage : elle est morte de la poitrine.
M. Diamanty s’assit moins qu’il ne se laissa aller dans un fauteuil dont les roulettes grincèrent. La tête plus basse encore entre ses épaules arrondies, il reprit de façon moins brusque, avec une lassitude douloureuse et une sorte de honte à avouer quel vautour terrible le dévorait :
— Edmée n’a jamais eu beaucoup de santé. Elle ressemble tant à sa mère… Il me semble parfois que c’est elle qui est revenue… Il faut vous dire que le docteur Merwart a toujours craint que son anémie ne dégénérât un jour en maladie de langueur… Il redoute surtout le mariage et… l’enfantement… Vous comprenez que cette chance-là, je ne veux pas la courir. (Sa voix redevenait incisive, brusque, saccadée.) Edmée ne se mariera que lorsqu’elle sera assez forte pour supporter le mariage. Ce sera peut-être dans cinq ans, peut-être dans dix… peut-être plus tard. Vous parliez tantôt de sa part de bonheur ? Mais c’est sa part de vie que je défends, monsieur ? Sa part de vie !… Et qu’est-ce que le bonheur, à côté de ça ?… Ah ! jeune homme, j’ai déjà vu mourir ma femme à vingt et un ans ! On vit difficilement avec un souvenir pareil planté dans le cœur. Cela vous empoisonne toute l’existence… Je ne veux pas qu’Edmée meure, comme elle, à son premier enfant… Le poids de cette hérédité horrible pèse