Page:Jaloux - L'école des mariages, 1906.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
L’ÉCOLE DES MARIAGES

— Pourquoi ! Qu’est-ce qu’il y a ? Ce n’est pas un habile médecin ?

— Très habile, au contraire, très habile !

— Alors, pourquoi ris-tu ?

— Oh ! pour rien qui puisse t’intéresser. Une plaisanterie d’étudiant faite jadis par ce Boucanier et qui me revient aujourd’hui à l’esprit.

Habitué aux bizarreries de son ami, René n’en demanda pas davantage. Mais Sunhary était tranquille sur les suites de la consultation. Le docteur Boucanier, habilement préparé par Mme Guitton, trouverait sans doute Mlle Diamanty en parfaite santé.

La nuit entrait à son tour dans le Vieux-Port comme une lourde frégate d’ombre, aux voiles noires. Tout s’obscurcissait sur son passage. Les bruits diminuèrent. Les tours de Saint-Victor, la masse du Pharo, les forts s’enfoncèrent dans un noir d’eau-forte, et partout des choses d’or tremblèrent, fugitives ou durables, glissantes ou immobiles.

Et Sunhary, pour la vingtième fois, se demanda : « Pourquoi donc Mme Guitton tient-elle tant à cette union ? »

Il y rêvait encore une heure après, tandis que Delville, affalé dans sa chambre, sur une chaise longue, et toujours hésitant, l’esprit rongé de scrupules, formait le courageux projet de s’en remettre définitivement pour tout aux bons soins de Mme Guitton, dont le cœur généreux et sûr, le dévouement et l’intelligence prévoyante ne manqueraient pas de diriger sa vie bien mieux qu’il ne le ferait lui-même.