Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
LE RESTE EST SILENCE…

décida donc, et peu après le mariage, mademoiselle Beleoudy s’en alla de cette terre, comme si elle n’attendait que cet événement pour disparaître. Elle partit tranquille, persuadée que sa nièce avait fait un mariage d’amour éperdu et qu’elle avait épousé un homme d’une colossale fortune. Elle savait que tout cela n’était pas vrai, mais elle ne le croyait pas.

J’ai toujours entendu dire qu’elle avait fait une mort de sainte, parce qu’elle apporta à mourir la même exaltation qu’elle avait mise à vivre. Y a-t-il dans toute religion autre chose qu’une forme du romanesque ? C’est beaucoup que d’avoir à son lit funèbre la présence d’un Dieu, et ma vieille tante y vit tout le Paradis…

Ma mère eut un grand chagrin de ce trépas. Les premiers temps de son mariage, elle allait, l’après-midi, quand ma tante était à l’église rêver dans son appartement. Il y avait là des bibelots auxquels elle tenait comme à des amis. Au salon, trônait un vieux Bouddha doré à l’air paterne et bon. Je crois que ma mère le préféra long-