Page:Jaloux - Le triomphe de la frivolité, 1903.djvu/16

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montrait assidue comme Madame Florel et Jeanne de Heldemorte. Madame Sauze, Madame de Gorliouges et Madame Loriol étaient plus rares.

Chaque soir, je passai avec amertume ce seuil si souvent franchi. J’avais connu dans cette demeure les fougueux transports de la passion avant d’y goûter le paisible bonheur de l’amitié. Notre amour avait duré trois années qui comptaient parmi les plus belles de ma vie. La lassitude nous avait peu à peu détachés l’un de l’autre, un voyage de Madame de Pleurre en Italie nous sépara ; elle s’y éprit de Jean Larquier, et moi-même, pendant ce temps, je me laissai troubler par le charme d’une courtisane qui devait me révéler toutes les tortures de la jalousie. Au retour de Madeleine, nous nous avouâmes notre mutuelle infidélité et décidâmes, d’un commun accord, de construire une amitié durable sur les ruines de nos désirs consumés. Hélas ! cette solide affection était condamnée à ne pas avoir plus de jours que notre éphémère tendresse !

Au commencement de juillet, l’air étant d’une chaleur extrême, Madame de Pleurre voulut se lever, et on la descendit dans son jardin. Elle ordonna de l’y laisser seule. Elle essaya misérablement de marcher et fit quelques pas en trébuchant, puis à bout de forces, usée jusqu’à l’âme, elle s’évanouit à côté de la pièce d’eau. On la releva glacée, on la recoucha en hâte et on courut chercher le docteur de Grandsaigne. Madame de Pleurre était au plus mal, sa porte fut consignée. Quelques jours passèrent, et de nouveau, il y eut une accalmie et comme un renouveau.