des coussins ronds devant les fauteuils, des housses de couleur poussière sur les vieux meubles antiques, venus des aïeux et conservés pieusement pour les enfants. Il n’y avait là comme ornements que les vénérables portraits d’ancêtres pendus au mur, une vierge de plâtre devant la glace, un crucifix entre les deux fenêtres, une table à ouvrage encombrée et deux vases en porcelaine blanche à filets d’or gagnés dans une loterie.
— Oui, continuait tout bas l’abbé Barbaroux, cela était simple, austère, religieux, on y sentait l’habitude du renoncement, la pureté du cœur et l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais ici dans ces parfums, ces coussins, ces fleurs, ces indécences, que peut-on trouver ? Cela sent le vice à plein nez ! Ah ! comme les temps sont changés ! Il y a quelque chose qui s’en va ! Il me semble que je suis déjà d’un autre monde, que je date, que j’aborde ici dans un pays nouveau. Ah ! si cette époque tout entière est pareille à ce que j’en vois, j’aime autant m’en aller bien vite, bien vite ! Je n’aime pas ces choses-ci…
Il hochait la tête, quand Cécile entra. Elle avait une robe de chambre claire, décolletée, garnie de dentelles qui laissaient ses bras nus jusqu’au coude ; on voyait la peau blanche et délicate de sa poitrine, et l’œil suivait les lacets bleus des veines. Et cette vision causa une nouvelle souffrance à l’abbé. Comme cette tenue était peu décente ! Jamais sa mère n’eût osé porter des vêtements aussi luxueux, ni découvrir ainsi sa peau à tout venant. Il se rappelait ses corsages sombres, montants, qui l’engonçaient, ses jupes larges, qui la transformaient en une sorte de cloche monumentale, et il les comparait à ces étoffes légères, soyeuses, ondoyantes, qui révélaient toutes les formes de la femme. En songeant aux bandeaux plats, bien tirés, lisses de Mme Barbaroux, il s’indignait contre la coiffure de Cécile, cette mousse de chevelure écumante et vaporeuse qui avait nécessité au moins une demi-heure de travail. Il considéra les bagues de Mme Caillandre, les perles de ses boucles d’oreilles, ses souliers mordorés et découverts, ses bas noirs, ajourés, qui laissaient transparaître la scintillation de sa chair. Il crut venir, non plus chez sa nièce bien-