— Et les enfants iront ?
— Et périront dans l’entreprise ! »
Mrs. Grose se leva lentement, et j’ajoutai, prise de scrupules :
« À moins, bien entendu, que nous ne l’empêchions. »
Debout, devant moi toujours assise, elle tentait, visiblement, d’analyser la situation.
« C’est leur oncle qui doit empêcher ça. Il faut qu’il les emmène.
— Et qui l’en persuadera ? »
Elle m’avait semblé scruter l’horizon, mais pencha alors vers moi un visage un peu sot :
« Vous, mademoiselle.
— En lui écrivant que sa maison est empoisonnée et que son neveu et sa nièce sont fous ?
— Mais s’ils le sont, mademoiselle ?
— Si je le suis moi-même, voulez-vous dire ? Ce sont de charmantes nouvelles à lui envoyer, de la part d’une personne qui jouit de sa confiance et dont la première raison d’être est de lui éviter tout ennui. »
Mrs. Grose, songeuse, suivait les enfants des yeux.
« Oui, il n’aime pas les ennuis. C’a été la principale raison…
— Pour laquelle ces monstres ont pu le tromper si longtemps ? Sans doute, bien que tout de même il lui ait fallu une terrible indifférence. Comme je ne suis pas un traître moi, en tout cas, je ne le tromperai pas. »
Après un moment, ma compagne, pour toute réponse, s’assit de nouveau et me saisit le bras.
« En tout cas, appelez-le à vous. »
Je la regardai, stupéfaite.
« À moi ? »
J’eus une peur soudaine de ce qu’elle serait capable de faire.
« Lui ?
— Il devrait être ici, il devrait nous aider. »