Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/33

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peu niaisement, sans doute, et je cédai à la crainte du ridicule.

Mais le lendemain, vers le moment où je devais monter en voiture, je tombai sur elle, dans un autre coin de la maison.

« Dites-moi, qu’était-ce que cette jeune femme qui était ici avant moi ?

— La dernière institutrice ? elle aussi était jeune et jolie… presque aussi jeune et presque aussi jolie que vous, mademoiselle.

— Ah bien ! j’espère alors que sa jeunesse et sa beauté lui auront servi à quelque chose, répondis-je, il m’en souvient, à l’étourdie. Il me semble qu’il nous préfère jeunes et jolies !

— Pour cela oui, dit Mrs. Grose. C’était ce qu’il recherchait chez tout le monde. »

À peine eut-elle prononcé ces mots qu’elle tenta de les rattraper.

« Je veux dire que tel est son goût, — le goût de notre maître. »

J’étais saisie.

« Mais de qui parliez-vous alors, tout à l’heure ? »

Ses yeux demeurèrent sans expression, mais elle rougit.

« De lui, donc.

— De notre maître ?

— De quel autre pourrais-je parler ? »

Il était tellement évident que ce ne pouvait être de personne d’autre que, l’instant après, j’avais oublié l’impression que, par mégarde, elle en avait dit plus qu’elle ne voulait. Je demandai seulement ce qui m’intéressait :

« Et elle, vit-elle jamais chez le petit…

— Quelque chose qui ne fût pas bien ? elle ne me l’a jamais dit. »

Je dominai un scrupule pour poursuivre :

« Était-elle attentive ? délicate ? »